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Les Cuivres de l'Orchestre Symphonique de Chicago en concert Un CD en or massif ! |
Vous devez certainement connaître cette anecdote. Celle du chef Anglais, Sir Simon Rattle qui raconte que lors de sa première série avec le vénérable Orchestre Symphonique de Chicago, il avait pu commettre une erreur caractéristique d’un juvénile de la baguette : celle de jeter un coup d’œil sur la section cuivres afin donner une attaque. Une seconde plus tard, un cyclone s’abattait sur lui et il se retrouvait cinq mètres derrière, abasourdi par un déluge sonore… Nous le savons, dans la ville érigée sur le lac Michigan, les cuivres de cet incroyable orchestre sont aussi célèbres que les joueurs des Bulls, Al Capone ou les pizzas épaisses à en étouffer. Cela n’est plus un cas clinique, c’est une légende. Pourtant, cet immense talent des cuivres du Chicago Symphony Orchestra n’est pas un phénomène sonore inexplicable. Cela a été forgé savamment depuis des décennies. Le "son Chicago" fut érigé sciemment par de fantastiques solistes, et détail non négligeable dans la "cuivraille", doté d’une intelligence hors du commun pour des soufflants. Pas de potion magique illicite ou de formule secrète, tout apparaît clairement dans le reflet des pavillons. A l’instar de la section cordes des Wiener Philharmoniker, les membres historiques du CSO ont eu l’intelligence de créer et développer avec conviction une véritable école de jeu d’orchestre. Les maîtres se nommaient Adolph Herseth (53 années au pupitre !), Philip Farkas ou Arnold Jacobs. Les disciples devaient entrer dans la section avec patience, souvent au poste de Utility (doublure du premier). Se fondre dans l’unité sonore, tel est le credo de ce groupe. Les méthodes, cahiers d’étude ou attitude au pupitre de ces Dieux du piston, coulisse et palette sont toujours aussi prégnantes. A Chicago, on ne joue pas pour soi, on joue pour la section et l’orchestre. Ce n’est pas l’ère de l’égocentrique « super soliste », le Principal gère sa section et jouer second ou troisième face à des baguettes comme Pierre Boulez, Bernard Haitink ou Riccardo Muti est un véritable honneur. De plus, les jeunes connaissent l’histoire de leur pupitre et la respectent. Cette nouvelle publication "live" du label de l’Orchestre « CSO Resound » est l’éblouissant témoignage de concerts donnés au Symphony Hall en décembre 2010. C’est une tradition aux USA, à l’approche de Noël, les directeurs des orchestres programment leurs cuivres. A Chicago, l’orchestre joue quatre à cinq concerts hebdomadaires et cette semaine précédant les fêtes de fin d’année, ce sont les sections cuivres et percussions qui représentaient l’orchestre ! Figuraient toutes les stars : le mythique Dale Clevenger (45 saisons au CSO !), Jay Friedman (49 années au pupitre !), le « juvénile » Christophe Martin surnommé par les fans : "le nouveau Herseth". Et c’est sans compter sur les invités, renforts de ces prestations : des jeunes free-lance ou membres du Civic, l'antichambre du CSO. Dès les premières mesures de la Marche de Walton, la splendeur de la sonorité si ronde du CSO Brass nous émerveille. L’équilibre sonore est incroyable. Car on peut gloser des heures, et de manière caricaturale, sur la puissance de feu de ces artistes (au regard du volume sonore du Symphony Hall, il y a intérêt à savoir diffuser le son !) mais on oublie qu’ils sont avant tout des artistes. S’ils savent jouer de vrais ff sans forcer ou faire zinguer le pavillon, ils peuvent d’une inimitable manière chanter dans les nuances les plus délicates (à l’exemple du Trio de la Crown Imperial). Les Gabrieli ou le Bach inclus dans ce programme laissent pantois de par la beauté de l’architecture déployée. Dans l’introduction de la Passacaille et Fugue BWV 582, les octaves des graves sont tellement parfaites qu’avec le mécanisme des instruments, nous avons vraiment l’impression d’entendre le pédalier d’un orgue ! Et toujours dans des lectures très dignes, sans effets superfétatoires, sans vibrato de mauvais bel canto. A mon humble avis, le summum de ce CD, que tout joueur ou amateur de cuivres se doit d’écouter religieusement, demeure dans deux transcriptions de haut niveau (l’intelligent apport de la petite clarinette dans le Revueltas, à la sonorité si proche de la trompette piccolo) – faut-il préciser pour faire sonner une section, il est indispensable d’avoir une partition bien écrite ? L’hypnotique Sensemaya est un modèle de rigueur, contrôle des timbres (solo introductif de tuba !) et déclenchement de la foudre uniquement sur le climax. Pas de prise de risque insensée, tout est agencé au millimètre, avec toujours cette sensation pour les cuivres américains d’une formidable aisance. Les trois extraits du ballet Roméo et Juliette de Prokofiev sont tout simplement fabuleux, à en faire oublier que c’est une "simple" transcription ! L'agencement des timbres, les équilibres (les accords introductifs) sont un pur travail d’orfèvre. Et une nouvelle fois, détail non négligeable, avant de penser cuivres, on entend surtout une interprétation musicale. Finissons de planter cet incroyable décor en précisant que ce sont les solistes qui dirigent chacun à leur l’ensemble. Comme dit plus haut, au CSO, on est musicien avant d’être cuivres. Ceux d’entre vous qui ne sauraient pas quoi offrir à Noël devraient se ruer sur cet objet en or massif ! A faire entrer d'urgence dans la discothèque de l'honnête "cuivres". Écouter des extraits : 1) William Walton, Crown Imperial 2) Silvestre Revueltas, Sensemaya 3) Serge Prokofiev, Roméo et Juliette Le site internet officiel de l'Orchestre Symphonique de Chicago CHICAGO SYMPHONY ORCHESTRA BRASS LIVE - Oeuvres de W.Walton, G.Gabrieli, J.S. Bach, P.Grainger, S.Revueltas et S.Prokofiev. CSO BRASS, dir. Dale Clevenger, Jay Friedman, Michael Mulcahy et Mark Ridenour - 2010 - CD - 64 minutes CSO RESOUND CSOR 901 1101 - distribution France Harmonia Mundi |
F.D. |