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DIONYSIAQUES de Florent SCHMITT

"Le Sacre du Printemps" pour Orchestre d'Harmonie !



DIONYSIAQUES

couv dionysiaquesSuite au grand succès international de la réédition de la Symphonie pour Musique d'Harmonie de Paul Fauchet, les Editions Robert Martin ont décidé, en partenariat avec le CDMC de Guebwiller, de prolonger la réédition d'importantes partitions du patrimoine français pour Orchestre d'Harmonie.
En accord avec les Éditions Durand, la collection "Prestige de la Musique Française" s'enrichit en janvier 2012 d'un second opus avec une des plus importantes créations pour orchestre à vent de toute la littérature. C'est sous la direction du chef suisse Felix Hauswirth que deux versions de la partition (et parties séparées) sont maintenant disponibles à la vente.

-  La version originale qui fut publiée pour la première fois en 1925 est présentée dans une version "urtext", fidèle aux volontés du compositeur (respectant l'incroyable orchestration originale).
- Et Félix Hauswirth a spécialement préparé une seconde version complète à l'orchestration "modernisée", proche de la nomenclature des Wind band anglo-saxons.



Le Sacre du printemps pour Orchestre d’Harmonie !

Sans la précieuse aide du compositeur lyonnais Pierre-Octave Ferroud, qui rédigea en 1927 pour les Editions Durand une étude sur Florent Schmitt (1), nous n’aurions que peu très peu de renseignements sur la genèse de cette partition révolutionnaire pour Orchestre d’Harmonie. Dans les pages qu’il consacre à Dionysiaques, Ferroud se remémore la création, un 9 juin 1925, dans les jardins du Luxembourg à Paris, avec la Musique de la Garde Républicaine qui était placée sous la baguette de Guillaume Balay. Des photos imprimées sur des cartes postales de ces célèbres concerts du Luxembourg sont arrivées jusqu’à nous, et nous savons donc que ces prestations étaient suivies par plusieurs milliers d’auditeurs très attentifs. Ferroud évoque d’ailleurs un très large public composé de la sorte : « des étudiantes, des sénateurs, des bambins et leurs nourrices formaient avec quelques braves toutous l’auditoire le plus courtois du monde ». La seule indication qui peut être relevée aisément chez le compositeur concernant la construction de cette innovante pièce d’inspiration orientale est celle de la date qui vient conclure la première édition de la partition chez Durand (D&F – 91112) en 1925 : « Paris, Décembre 1913 ». On ne peut que s’étonner de la distance qui sépare la rédaction de la partition de sa première exécution (2). Les seules explications plausibles qui  pourraient être avancées demeurent l’oubli de l’œuvre au moment où la Première Guerre Mondiale éclata, et une certaine appréhension à révéler ces pages d’une rare complexité. C’est certainement grâce à l’obstination de Guillaume Balay, qui au milieu des années 20 à la Garde Républicaine apporta un incroyable renouveau du répertoire (Cf. La Symphonie pour Musique d’Harmonie de Paul Fauchet – Réédition 2010 – Editions Robert Martin), que ce monument bachique pour orchestre à vents put enfin être entendu. Dionysiaques ne fut pas le premier essai consacré par Schmitt à l’Orchestre d’Harmonie. En 1914, fut publié Sélamlik, Divertissement "à la turque" Op.48 pour Harmonie, qui fut dédicacé à l’attention de Gabriel Parès (autre grand directeur musical de la Garde Républicaine). Yves Hucher, dans son ouvrage sur le compositeur (3), rédigé du vivant de Schmitt et relu par ce dernier pour correction, précise la date de 1906 pour la composition et une création en Juin 1909 (déjà par la Garde Républicaine). S’il fallait tenter de cerner les affinités premières du père du Psaume XLVII avec l’Orchestre d’Harmonie, il faudrait revenir aux années de service militaire où le musicien fut employé comme flûtiste au sein de la fanfare régimentaire et, plus tard, comme bon nombre de musiciens de renom mobilisés en août 1914, aux Harmonies qui étaient utilisées pour la vie militaire et le divertissement des troupes. Dans le cadre du présent Op.62, on peut aisément imaginer une commande de la Garde Républicaine et une formidable volonté de renouveler un répertoire, qui entre transcriptions et musique de genre réservées au concert dominical de kiosque affichaient une certaine limite, et ne parvenaient pas à atteindre le rang de celui de l’orchestre symphonique. En l’année révolutionnaire 1913 pour la musique, celle du scandale du Sacre du Printemps de Stravinsky, Dionysiaques aurait pu créer un esclandre identique pour les amateurs d’orphéons. Il n’y a que très peu d’occurrences en ces temps de fin de la Belle Époque, pour ne dire aucune, d’une partition aussi complexe à restituer et aux habits si modernes à en repousser dangereusement les interprètes et le public. Schmitt, avant 1914, fut un des compositeurs français considéré comme d’avant-garde, à l’esprit indépendant qui ne pouvait rejoindre ou être classé dans tel groupe ou école. Son somptueux ballet la Tragédie de Salomé op.50, créé dans sa seconde version en 1911 et repris en 1913 aux Ballets Russes de Diaghilev, avait certainement inspiré Stravinsky au moment de faire surgir de la terre son cataclysme printanier pour un gigantesque orchestre. Beaucoup de musicologues ont insisté sur le rapprochement de la métrique utilisée par Schmitt et les pas arythmiques de Stravinsky dans sa Danse sacrale. On peut considérer que Dionysiaques fut le lien entre cette vision de Salomé et un autre opus scénique important : Antoine et Cléopâtre Op. 69 (1920). Car, pour tout chef ou orchestre qui se lancerait dans la délicate aventure de l’exécution de cette page de gloire de l’Harmonie à la française, il convient de ne pas oublier l’influence prégnante de la danse dans ces dix minutes de musique. D’ailleurs, en 1932, à New York, Dionysiaques fut légitimement donné en version Ballet. Ferroud qualifia ce chef d’œuvre pour vents de « débordement de sève au printemps et les crudités franches de la musique militaire ajoutent encore à cette impression de joie intense ». Il nota aussi l’incroyable orchestration de la pièce qui, si l’on suit à la lettre les préconisations maximales de l’auteur en termes d’effectif, requiert près de 120 exécutants, et une nomenclature pour « des instruments qui n’existent presque qu’en hypothèse, et dont les facteurs se sont contentés de dresser les plans : des instruments pour exposition universelle, si l’on veut comme le saxophone basse ou la fameuse clarinette-pédale ». A la lecture de la première page de la partition, l’effectif déployé par la Garde Républicaine de la première moitié du XXe siècle laisse songeur quant à la riche palette des couleurs qui pouvait être alors employée : entre sarrussophone, clarinette contrebasse, saxophone basse, petit bugle mi bémol et la complète famille des saxhorns… Les différents enregistrements, incunables du 78 tours (4), viennent d’ailleurs confirmer la très haute tenue de l’orchestre de la gendarmerie qui pouvait alors rivaliser avec les plus prestigieuses institutions symphoniques parisiennes. Dionysiaques fut une étape importante dans le développement du répertoire de l’Orchestre d’Harmonie et près d’un siècle après sa composition, cette partition demeure comme l’une des plus importantes créations pour orchestre à vents, démontrant toutes les possibilités techniques et expressives de cette formation.
François Dru (décembre 2011)

Sous peine de poursuites judiciaires, toute reproduction de ce texte doit faire l'objet d'une demande d'autorisation auprès des Éditions Robert Martin.

(1)     : Pierre-Octave Ferroud, Autour de Florent Schmitt, Durand – Paris – 1927
(2)     : Il faut noter que la réduction pour deux pianos signée de l’auteur fut éditée en 1917 !
(3)     : Yves Hucher, Florent Schmitt (Étude – Catalogue des œuvres – Discographie), Libraire Plon – Paris – 1953
(4)     : Guillaume Balay fut le premier en novembre 1927 à enregistrer Dionysiaques en 78 tours avec la Musique de la Garde Républicaine pour la maison Gramophone (4 faces : Gramo  K-5336/37). L’enregistrement de Pierre Dupont réalisé en février 1928, toujours avec la Garde, fut édité par la Columbia (3 faces : D11011). Plus près de nous, il faut saluer la version française, respectueuse de la nomenclature originale,  gravée en mars 2005 par l’Orchestre d’Harmonie du Centre sous la direction de Philippe Ferro.


F.D.