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Henri Dutilleux Eternel de son vivant |
Disparition à 97 ans du grand compositeur français contemporain Henri Dutilleux Crédits photo : Jean-Pierre Muller/AFP Contemporain, n’est sans doute pas la meilleure épithète à laquelle l’on pouvait le réduire. « C’était le compositeur du merveilleux, soit, étymologiquement, de ce qui étonne et qu’on admire. Sa musique poursuivait une tradition française de la transparence et de la recherche de couleurs inouïes. Et cela, à une époque où il fallait absolument embrasser le formalisme sériel, sous peine d’être déclaré ringard ou réactionnaire. De fait, Henri Dutilleux, contraint d’enseigner la composition à l’Ecole normale de musique puis au Conservatoire de Paris, ne commencera à vivre de sa musique qu’à 60 ans. » Né le 22 janvier 1916 à Angers il passe sa jeunesse à Douai. Il étudie très jeune le piano avec sa mère et se complait l’écriture musicale, en particulier sur le plan harmonique. A Douai, le directeur du conservatoire le prend sous son aile et va jusqu’à créer une classe spéciale pour lui alors qu’il n’a que quinze ans. A Paris, ses professeurs le considèrent comme "l’élu" de la génération montante. En 1938, à 22 ans, Henri Dutilleux remporte le Premier Grand Prix de Rome. Jusque-là, tout va bien. Mais son séjour à la Villa Medicis, à Rome, commence à la fin de janvier 1939. Quatre mois plus tard la guerre va changer la donne. Mobilisé en septembre 1939, Henri Dutilleux ne combattra jamais. Sous-officier à la musique de l’Air, il reçoit une formation de brancardier. Il confira plus tard qu’il participa furtivement au pupitre de percussion. En 1943, Dutilleux obtient son premier poste à Radio France, où il travaille au service des Illustrations musicales pendant une vingtaine d’années et continue de se perfectionner dans le domaine de la composition. C'est avec sa Sonate pour piano, en 1948, qu'il trouve son langage. Composée pour sa femme, la pianiste Geneviève Joy, compagne de toute une vie dont la perte en 2009 l'affecta profondément. Sa Symphonie n° 1, en 1951, n'est, malgré sa suprême qualité, qu'une étape avant son premier grand chef-d'œuvre, la Symphonie n° 2 Le Double, en 1959. Œuvre aux couleurs instrumentales inouïes, faisant dialoguer un petit ensemble de 12 instruments solistes (1 hautbois, 1 clarinette, 1 basson, 1 trompette, 1 trombone, 1 clavecin, 1 célesta, timbales, 2 violons, 1 alto et 1 violoncelle) et un grand orchestre. Commandé par l’Orchestre de Boston, elle est créée le 11 décembre 1959, sous la direction de Charles Münch. Considéré au plus haut point, il ne cessera de répondre aux sollicitations de orchestres comme des solistes. En 1970, c'est pour Mstislav Rostropovitch qu’il compose le Concerto pour violoncelle Tout un monde lointain, inspiré de poèmes de Baudelaire. En 1976, Trois Strophes sur le nom de Sacher, pour violoncelle solo et en 1985, L'arbre de Songes, concerto pour violon et orchestre, commande de l’Orchestre National de France pour Isaac Stern (violon). |
Son catalogue pour instruments à vent se limite à quatre œuvres commande pour les concours du Conservatoire de Paris: • > Sarabande et Cortège pour basson et piano (1942) • > Sonatine pour flûte et piano (1944) • > Sonate pour hautbois et piano (1947) • > Choral, cadence et fugato pour trombone et piano (1950) Choral, cadence et fugato pour trombone solo et piano version pour Orchestre d’harmonie de Claude Pichaureau Elle fut composée en 1950 pour la classe de trombone d'André Lafosse, professeur au Conservatoire de Paris de 1948 à 1960. Claude Pichaureau précise Dans un courrier du 3 juillet 1993, en réponse à ma proposition d’orchestration, Henri Dutilleux définissait ainsi son œuvre « … Ce Choral, cadence et fugato n’est vraiment qu’une pièce de concours écrite dans un style néo-classique… ». Certes, la forme et la durée (6’30) ne correspondent pas à ce qu’il est convenu d’appeler un concerto, mais il n’en reste pas moins vrai que la richesse de la matière musicale et la virtuosité de la partie soliste à la fois dense et originale, lui donne une toute autre dimension, beaucoup plus ambitieuse. Aucun concours international de trombone ne se conçoit sans « Le Dutilleux ». C’est une œuvre incontournable pour les trombonistes, mais que seuls les grands virtuoses peuvent maîtriser totalement. Elle nécessite en effet une très large palette expressive et technique sans faille. Commande du Conservatoire de Paris pour le concours de 1950, année de composition de sa première symphonie, créée au Théâtre des Champs-Élysées le 7 juin 1951 par l'Orchestre national de France sous la direction de Roger Désormière. L’écriture de ces deux œuvres a donc été quasiment simultanée. Grâce à la bienveillance d’Henri Dutilleux, Claude Pichaureau a pu concrétiser un rêve de tromboniste : interpréter une version avec grand orchestre d’harmonie. La première de cette version orchestrale a eu lieu le 6 mai 1995 par Sébastien Larrère accompagné de l’orchestre d’harmonie du CNSMD de Paris dirigé par Claude Pichaureau. Depuis cette version avec orchestre d’harmonie de Choral, cadence et fugato a été enregistré en 2005 par le tromboniste Jean Raffard et la Musique des Gardiens de la Paix dirigé par Philippe Ferro. Le Concours International de Composition Henri Dutilleux de Saint Pierre des Corps (37) Si Henri Dutilleux n’a pas beaucoup écrit en soliste ou en formation de chambre pour les vents, il a suscité auprès des jeunes compositeurs des œuvres nouvelles pour petites formation. Henri Dutilleux avait une prédilection pour la Touraine, et avait acquis une maison de repos à Candes-Saint-Martin. Il a accepté en 1990, la sollicitation de la ville de Saint Pierre des Corps, près de Tours en Indre & Loire d’accueillir tous les trois ans, le concours International de Composition qui lui est dédié. C’est le clarinettiste Éric Boucher, alors professeur de musique de la ville, qui a sollicité Henri Dutilleux pour donner son nom et sa caution d'excellence à ce concours. Les œuvres primées avec un thème chaque fois différents, Octuor (formation libre), Sextuor (piano et quintette à vent), Quintette de cuivres, Concerto pour instrument soliste et petit ensemble... A chaque édition, Henri Dutilleux s’activait ardemment pour la présélection des nombreuses œuvres reçues et par sa présence lors de la finale entouré des membres prestigieux du jury, comme Mstislav Rostropovitch, Betsy Jolas, Mickaël Lévinas, Christoph Eschenbach… Le prochain concours Dutilleux de déroulera en 2014, pour une fois sans la présence du Maître. Site Concours Dutilleux Une des dernières apparitions officielles d’Henri Dutilleux à Paris en janvier 2013 lors de la parution de son dernier album, Correspondances, dirigé par Esa-Pekka Salonen et paru chez Deutsche Grammophon. |
Y.R. |