De la Petite Suisse du Nord, en passant par celle de la Lorraine, Alexandre Jous a conquis le cœur des Helvètes.
Sur le toit de l'Europe, le samedi 31 août 2013 au lever du soleil sur le Mont Blanc, les nuages ont bénéficié d’un concert improvisé d’une vingtaine de minutes rien que pour eux.  Plus qu’un long solo, c’est forcément un duo car quand on joue le Cor des Alpes, la nature lui répond. La mélodie revient vers le musicien comme s’il faisait vibrer la Terre. Le musicien ressent cette énergie.

Alexandre Jous, à 4810 mètres d’altitude, est-ce la même réponse que dans la vallée fleurie ?
Bien sûr, le vent omniprésent au sommet emporte rapidement le son et l’on ne bénéficie pas de l’écho. Le ressenti est extrême après une ascension toujours délicate par le coté le plus dur depuis le refuge des cosmiques (Chamonix) avec une température de moins quinze degrés, les lèvres gercées et l’hypoxie. Ce ne sont pas des facteurs les plus favorables pour jouer d’un instrument à embouchure comme le cor des Alpes. Seule compensation, n’ayant ni touches, ni pistons à actionner on peut garder ses moufles. Pour alléger l’ascension, j’ai utilisé un instrument télescopique fabriqué en carbone qui pèse 2 kilos avec la housse de 75 cm de long. Déplié cet instrument en tonalité de FA mesure 3m70. L’embouchure faite sur mesure est en plastique pour un meilleur confort et éviter la fêlure d’une embouchure traditionnelle en bois.

Ce challenge, je voulais le réussir, et pas seulement pour l’image symbolique de souffler sur le toit de l’Europe un air chaud et humaniste, mais pour une performance personnelle. Français, je suis le premier étranger à avoir remporté en 2008 et en 2009 le concours international de cor des alpes de Nendaz en Suisse, en solo.  Jouer seul au sommet du Mont Blanc était un rêve de gosse et un hommage au Cor des Alpes qui depuis 2008 a bouleversé ma vie artistique…

Alexandre Jous
Né en 1984 dans une famille de musiciens, j’ai débuté mes études musicales par la percussion à Maubeuge, puis au cor d'harmonie au conservatoire de Valenciennes, à Douai et à Metz. Je me perfectionne de 2004 à 2008 à Gennevilliers avec le corniste Patrice Petit-Didier. Amoureux de la montagne dès mon plus jeune âge et du village de Thônes en haute Savoie ou je réside une partie de l'année, j’aime la pratique du sport et les grandes randonnées.
Mais jusqu’en 2008, seul le cor d’harmonie me permettait de mener à bien mes expériences artistiques jouant dans différentes formations et de tous styles… classique, jazz, reggae, musiques orientale, musiques du monde…. et depuis 2002, corniste à la musique de l’ABC de Metz.
Jusqu’en février 2008, bien que toujours intrigué durant mes vacances en montagne par ce rustique instrument qu’est le Cor des alpes, je n’avais jamais fait la démarche de l’essayer.
Pour moi, cet instrument naturel avec son réservoir de notes harmoniques me semblait éloigné de mes recherches artistiques.
 Après un passage à l’Ecole des musiques actuelles de Nancy, je me suis perfectionné en improvisation jazz et j’explore les divers modules électroniques pour mes compositions et improvisations en me servant régulièrement d’un pédalier d'enregistrements et d'effets sonores.

Il fallait une provoquer une rencontre entre cet instrument « rudimentaire » et mes aspirations.
Cela s’est fait au cours d’une rencontre pédagogique de professeurs, en 2008. Un compositeur, Philippe Nahon, avait écrit une pièce pour un ensemble de cors, parmi lesquels il voulait deux cor des Alpes. Il fallait un volontaire, j’ai levé la main. Tout est parti de là. Mon collègue Edmond m'a tout de suite encouragé dans cette direction, surtout par notre passion commune pour la montagne et son environnement (pistes de skis, fromage, génépi…) Sur internet, j’achète d’occasion un cor des Alpes et j’essaye de l’apprivoiser. Cinq mois plus tard, le 27 juillet 2008, je suis lauréat du prix international de cor des Alpes de Nendaz, en Suisse, dans la catégorie solo. Je renouvelle la performance en 2009.

Ce qui m’a plu, à Nendaz, c’est que le jury, derrière un écran occultant, juge une interprétation libre de quelques minutes. Ce sentiment de liberté m’a porté, j’ai pu m’exprimer et j’ai gagné. J’ai découvert avec  ce cor des alpes un univers certes « folklorique » mais de tradition orale ouvert à toute proposition artistique.
A la base, depuis le XVIème siècle, le cor des alpes est l’instrument de communication à travers les vallées et montagnes de l'arc alpin. On peut entendre son signal, poussé par le vent, jusqu'à 30 kilomètres de distance. C'était l'outil des bergers par excellence pour regrouper les vaches, donner l'alerte, prévenir d'un danger ou convier les voisins un soir d'été. Chacun y créant et personnalisant la sonnerie de l’appel.

Fabriqué à l’origine en épicéa, le cor des Alpes peut mesurer entre 2,5 et 4 mètres selon sa tonalité, fa/sol fa, mi ou encore en sol. Ce qui en fait l'instrument le plus long du monde et certains peuvent mesurer jusqu'à 18 mètres.
L’instrument d’origine en fa dièse, à la sonorité sourde et profonde mesure 345 cm et se scinde en deux ou trois parties pour être transportable. Il peut être taillé directement d'une seule pièce dans un arbre ayant poussé couché).
Pour le jeu en soliste accompagné d’un autre instrument chromatique, pour faciliter la transposition on préfère la tonalité de fa. Elle est plus aérienne.
Une rencontre fut prometteuse, celle avec Etienne Sibille. J’avais entendu parler de son « show tyrolien » et on s’est rencontré chez lui à Amnéville. « Pour une répét’ qui devait faire une heure… mais qui a duré beaucoup plus longtemps, complète Etienne. Ça a collé tout de suite entre nous. ». Le duo des Cors flingueurs est né. Notre première prestation a lieu lors du départ de l’étape du Tour de France à Pontarlier qui rejoignait Verbier en Suisse. Tout un symbole.

Depuis nous cumulons les prestations et performances...
Après mon premier album solo "Tournetacor" nous enregistrons « Piège en haute montagne ». Certes des titres comme Lumberger Jodler et Gletscher Ruef empruntent quelque peu à la tradition mais les critiques remarquent les rythmes funk, disco ou latino, comme par exemple sur le Mambo Las Vegas dû à l’Audunois Luciano Pagliarini.
L’univers sonore s’ouvre également avec la rencontre avec Jonathan Mathis, spécialiste de l'orgue mécanique, un musicien chercheur de timbres, un chimiste sonore.
Artisan poinçonneur de cartons, c'est au pied du Vercors que son atelier de musique bouillonne d'expériences au quotidien. Nous produisons ensemble le CD « Cor de Barbarie ». Notre spectacle tout public a remporté le 14ème festival international de musique mécanique des Gets en 2010.
Et l’aventure musicale continue avec une rencontre inattendue voire improbable, car risquée au plus haut point, le cor des Alpes et une scie… musicale, bien sûr. Celle de Jean-Claude Welche, belge récemment installé dans l’Ain, à Thoiry (Ain). Violoniste professionnel, il s'attache à atteindre sur cet instrument rudimentaire une justesse parfaite et recherche les complicités avec des instruments insolites comme la mandoline, la harpe de verre, le theremin, l'orgue de barbarie. Avec moi ce sera un duo avec le cor des Alpes également associé aux cloches.

Toutes ses rencontres sont le fruit d'un hasard qui me mene depuis vers des horizons proches - Belgique, Luxembourg, Hollande, Autriche, Suisse, Allemagne – ou lointains - Turquie, Russie Chine Estonie.
Outre les concerts et spectacles, j’ai la chance et l’honneur d’être professeur invité de l’Académie Suisse de Cor des Alpes de Montreux. J’initie les stagiaires aux Musiques actuelles et improvisées.
Je poursuis mes projets en projet solo mêlant cor des alpes, cor d'harmonie et coquillages mais aussi en soliste d’autres avec orchestres.
Nous avons réuni quelques amis dans des ensembles régionaux :  Ch'ti ensemble de cor des alpes, Ensemble de cor des alpes de lorraine (Lorraine), L'echo du lac d'annecy (Rhone alpes), Ensemble cors accords (Orléans)… et également dans l’ensemble de cuivres Quintus.

http://www.alexandrejous.com

Extrait vidéo  Michael JackHorn