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Piccolo Saxo et Cie, orphelins André Popp est mort à 90 ans |
André Popp Un musicien très populaire mais très discret André Popp est l’archétype du musicien populaire français et l’on pourrait se demander s’il ne s’est pas choisi un pseudonyme, un nom d’artiste. Eh non, c’est bien son véritable patronyme. Né en 1924, André Charles Jean Popp savait conjuguer son nom, comme en témoigne quelques pochettes de 33 tours « André Popp, Popp Musique » et dès 1958 avec le « Delirium in Hi-Fi », paru sous la signature pseudonyme d’Elsa Popping, clin d’œil au film Hellzapoppin. André Popp se définissait quasiment comme un musicien autodidacte, installé quasiment par obligation pendant les années de guerre à ‘harmonium de l’église de son village en Vendée. « J’ai appris le grégorien tout seul. J’ai commencé à jouer, à improviser. Je passais toutes les récréations à répéter les morceaux que j’allais jouer à la messe le dimanche suivant. Mon goût n’allait pas vers Bach, Beethoven ou Mozart mais vers des musiques contemporaines : Louis Vierne, Jean Langlais, Olivier Messiaen. » Après la guerre avec le parolier Jean Broussole, il compose de nombreuses chansons pour les vedettes, Luis Mariano, Jacqueline François, Astrud Gilberto, Juliette Gréco, Marie Laforêt et collabore avec Boris Vian pour plusieurs albums de la série « Musiques en tout genre ». Connu mondialement pour des tubes comme « Tom Pillibi » et "L'amour est bleu", en anglais "Love is Blue", record de reprises internationales, notamment avec les versions de Frank Sinatra ou Johnny Mathis. C’est en 1956, qu’André Popp popularise les instruments de l’orchestre avec Piccolo, Saxo et Compagnie ou la petite histoire d'un grand orchestre écrit en collaboration avec Jean Broussolle. Un triomphe qui sera suivi de 4 albums 33 tours, rééditer en CD, et en long métrage d'animation en 2006. André Popp en supervisera la musique remaniée pour les oreilles des jeunes. Cette œuvre reste avec Pierre et le Loup de Prokofiev, Le Carnaval des animaux de Saint-Saëns ou de Benjamin Britten The Young Person's Guide to the Orchestra (Op. 34) (Variations et Fugue sur un thème de Purcell l’une des meilleures compositions support à l’éducation musicale pour découvrir les instruments et les rudiments de solfège. |
La genèse du projet Dès 1953, André Popp avait une solide réputation de compositeur et d’orchestrateur qui savait faire « frotter » les accords. L’ORTFF lui confie sa nouvelle émission phare - La Bride sur le Cou – en direct où il dirige tous les samedi soir, l'orchestre. D’abord composé de 20 musiciens, puis de 35. Puis il forme un orchestre de jazz dont l'originalité est d'être agrémenté de 3 flutes, 1hautbois, 1 harpe et 4 violoncelles. "Là, j'ai fait mes classes d'orchestration, de composition et de direction d'orchestre (...) sur cette heure, il y avait 1/2 heure de musique. Je composais pour chaque émission, deux morceaux instrumentaux et refaisais toutes les orchestrations des artistes qui chantaient dans l'émission. Je me faisais un devoir de faire ça pour qu'il y ait une unité musicale. Parallèlement il est sollicité par Pierre Petit puis par Dutilleux pour composer des titres spécifiques pour Radio France : musique légère ou symphonique et pour écrire des indicatifs pour des émissions de radio telle que Les Maîtres du mystère ou de télévision Des chiffres et des lettres (titre d'origine : El Puchero). Collaborateur chez Philips, un jour de 1956, le directeur artistique, Jacques Canetti l’appele dans son bureau pour lui faire écouter un disque américain intitulé Toby le tuba. «Je voudrais que vous fassiez quelque chose qui soit décalqué là-dessus.» Je lui ai répondu : Pas question. Mais si vous voulez un truc pour faire reconnaître aux enfants les instruments de musique, ça m’intéresse. J’ai eu carte blanche. Je suis allé voir mon ami Jean Broussolle, et nous avons compulsé un traité d’orchestration avec toutes les familles d’instruments, ce qui, pour lui, a été un véritable déclic. Il s’est vite révélé un auteur prodigieux, les scénarios des cinq albums sont vraiment formidables, il n’y avait pas une virgule à changer. Je n’ai eu qu’à mettre mes pieds dans ses chaussures. J’ai composé la musique dans l’enthousiasme, en un mois. C’était de plus amusant d’incorporer le saxophone à l’orchestre classique.» Grand Prix de l'Académie du disque en 1957, cela a été un tel succès de vente de 33 tours que les producteurs n’avaient pas besoin de promotion en concert. André Popp suggéra à Georges Meyerstein, le directeur général de Philips, et à Jacques Canetti qui, au fil des années, se disputaient la paternité de l’idée d’aller voir Walt Disney. Ils n’ont jamais voulu. Pour les éditions suivantes, « Piccolo Saxo et le Cirque Jolibois », les animaux apprennent la musique pour sauver leur cirque « J’ai fait venir les Sipolo, deux clowns musicaux qui en 1958 passaient souvent à la télévision. » Entre le troisième album et les deux derniers, il s’est écoulé plus de dix ans. Entre temps, il s’est passé beaucoup de choses... André Popp intègre les guitares électriques, les synthétiseurs et les ondes Martenot en hommage à Messiaen dans Piccolo Saxo à Music City puis en 1978 la «Symphonie écologique. Là encore, très peu de publicité a été faite. « J’aime glisser de la musique populaire dans lea musique symphonique et être savant dans la musique populaire » aimait à dire André Popp. Delirium in Hi-Fi C’est d’ailleurs ce qu’il fit dans son œuvre discographique « Delirium in Hi-Fi », paru sous la signature pseudonyme d’Elsa Popping en 1958. Musique avant-gardiste mélangeant musique populaire, collage humoristique sonore et première technique d'un sampling moderne. Il maitrise ainsi l’écriture d’inspiration populaire, les arrangements devant autant à la musique savante moderne qu’au jazz en grand orchestre, les effets bruitistes et sonores inouïs. "Delirium in hi-fi était basé sur les trucages sonores. On avait quatre-cinq magnétos, qu'on faisait partir à vitesses différentes, pour obtenir des décalages. On faisait passer des bandes à l'envers, deux fois plus vite, deux fois plus lentement On a beaucoup travaillé à deux, avec l'ingénieur du son, et on ne savait pas trop ce que ça allait donner. C'était assez compliqué, car les instruments, du fait des déformations, étaient toujours ou plus hauts ou plus bas que leurs registres normaux, et il fallait organiser ces différentes tonalités harmonieusement, ce qui n'était pas évident. Un jour, j'ai été appelé à la MGM par le directeur musical. Il me demande : 'Mais quelle est cette merveilleuse trompette, qui joue dans Perles de cristal (qui est un classique de l'accordéon, qui se joue très vite) ?'. Je lui réponds : 'C'est un trombone, qu'on a enregistré à demi vitesse, et qu'on a rétabli à vitesse normale…'" André Popp devra attendre les années 90 pour entendre la version concert des deux premiers Piccolo Saxo. Une version est enregistrée en 1990 par l'Orchestre de Paris, dirigé par Semyon Bychkov, avec Peter Ustinov comme récitant. Les deux premiers concerts sont donnés à la Salle Pleyel par l'Orchestre de Paris avec Jacques Martin comme récitant. Puis c'est au tour de l'Orchestre Philharmonique des Pays de la Loire qui donne 13 concerts de "Piccolo Saxo" dans les années suivantes. Piccolo Saxo entre enfin dans la programmation des grands orchestres français, l'Orchestre Lamoureux, le Capitole de Toulouse. La dernière représentation en date de la version concert de l'incontournable Piccolo, Saxo et Cie a eu lieu au Théâtre des Champs Elysées en 2013 avec l'Orchestre Symphonique de la Garde Républicaine dirigé par François Boulanger et Alexandre Tharaud comme pianiste narrateur. |
Y.R. |