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Panem et Circenses Le ballon contre la partition... |
Même en vacances à plusieurs milliers de kilomètres de mon cher pays, je n’ai pu éviter la contemplation d’une photographie qui faisait la une des quotidiens tricolores. N’étant pas ministre, je pouvais me permettre de m’extirper des frontières nationales le temps d’un repos bien mérité sans subir l’opprobre, et j’avoue que la contemplation de cette photo des plus hautes autorités de l’Etat recevant en son sein les médaillés de l’équipe de France d’athlétisme m’a cruellement rappelé la bonne vieille formule clamée par Juvénal du Panem et circenses . Après la pitoyable et finalement comique déroute, les mains dans les poches, des millionnaires grévistes de l’équipe de France du sport où un seul esprit semble régner sur une équipe, enfin, le pays tenait ses héros, ses gladiateurs des temps modernes qui redoraient l’image bien ternie d’un drapeau foulé par des crampons insidieux en juin dernier. Ce n’est pas une question d’appartenance, de bord politique ou de procès d’intention concernant Untel, nous savons pertinemment que pour gagner des voix sur l’électorat volatile, rien de mieux qu’une petite photo avec des sportifs. Finalement, le temps où l’on calmait le peuple en lui offrant du pain et des gladiateurs qui s’entretuaient pour le plaisir de la foule n’a guère disparu… Au moins, en nos temps modernes, l’hygiène s’est améliorée, moins de sang. Je me suis aussi souvenu d’un acte de bravoure du siècle dernier, celui d’un jeune tromboniste de l’Orchestre de l’Opéra de Paris qui, après avoir été désigné 1er Prix d’un redoutable Concours International de Trombone, avait courageusement adressé une lettre au Président de la République d’alors en lui expliquant qu’il n’était pas sportif mais avait, de par sa prestation, aussi bien représenté et défendu les valeurs de son pays qu’un athlète dans un stade. Le jeune trublion se demandait pourquoi il n’était pas reçu à l’Elysée afin de le remercier d’avoir porté haut les couleurs tricolores de sa coulisse et de son frac, et finalement saluer tous ceux de son clan. Je ne sais quelle fut la réponse des autorités compétentes mais je n’ose imaginer le vide créé par cette interrogation des plus pertinentes... Sans vouloir relancer un débat vieux comme le pillage de l’art antique grecque par les Romains et tout en précisant que Dimitri Chostakovitch était supporter de l’équipe de footbal du Spartak de Moscou, ce n’est pas faire preuve d’impertinence que de préciser que les musiciens en notre pays ne peuvent revendiquer une aura semblable aux héros des stades. Et encore, je ne m’aventurerai pas sur le terrain hautement glissant d’un comparatif sur les rémunérations… Au fait, si les sponsors bien portants du CAC40, qui ont lâché les footeux tricolores en juin dernier, souhaitent investir par du mécénat, sur des orchestres symphoniques ou d’harmonie, ensembles de musique de chambre, jeunes solistes se présentant à un concours international mais n’ont pas un euro pour se payer un billet d’avion, municipalité sans le sou qui veut développer des orchestres à l’école, etc. Qu’ils ne se gênent pas ! Certes, ils n’auront pas droit à une photo en première page mais rejoindront le panthéon de leurs prédécesseurs antiques, riches seigneurs qui pouvaient inviter plus de 5000 personnes à assister gratis à une représentation théâtrale qui mélangeait acteurs, danseurs, chanteurs… P.S. : de quoi se remonter le moral. Dimanche 8 août, publication du baromètre Journal du Dimanche des personnalités favorites des français. Sur 50 récipiendaires : pas un médecin, scientifique, penseur, littérateur, architecte, plasticien, universitaire, chercheur… A la 21ème place : Madame Simone Veil, entourée par des artistes soutenus par de puissants plans communication... Et pour achever la bête : connaissez-vous le nom du quotidien le plus lu par les cadres en France ? Le Monde ? Les Echos ? Non : l’Equipe ! Pas de commentaires. |
Allez, pour consoler les néerlandais de leur mésaventure footbalistique de l'année, un souvenir du Concours de Kerkrade 2005 avec un extrait des Feste Romane de O. Respighi par un tonitruant orchestre italien ! Il y avait du monde sur le plateau... |
F.D. |