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Maxime Aulio Des projets plein la tête |
Maxime Aulio est l’un des compositeurs français qui compte actuellement. A 34 ans, il a déjà un catalogue impressionnant et des projets plein la tête. Né à Chartres en 1980, Maxime Aulio n’a que six mois lorsque ses parents déménagent pour Toulouse où son père intègre le groupe Airbus. C'est donc dans la ville rose où Maxime Aulio grandit et fait ses études, notamment musicales. D'abord attiré par l'orgue, il se lance dans les percussions, le clavecin puis le cor qu'il étudie au conservatoire de Toulouse. Très rapidement, il s’éprend de la composition. Dès l’été 1999, il compose sa première œuvre pour orchestre d’harmonie, Prophéties, interprété par l’orchestre du Conservatoire de Toulouse. Un an plus tard, il compose Les Voyages de Gulliver, une suite en quatre mouvements pour orchestre d’harmonie. Les œuvres se succèdent dont certaines qu’il aura le privilège d’entendre au sein de l’orchestre comme corniste. Après des études de trois ans au Lemmensinstituut de Leuven, en Belgique ; Master en Musique spécialité composition, option direction d’orchestre à vents en 2006, et une spécialisation auprès de Jean-Sébastien Béreau, l’illustre professeur du Conservatoire de Paris, il prépare avec succès le concours de Chef de Musique Militaire, fonction qu’il occupera jusqu’en 2013 à la Musique Principale de l’Armée de Terre. Toujours en quête de formation exigeante, Maxime Aulio nous livre à l’occasion de la parution de trois pièces aux Éditions Robert Martin quelques réflexions. Entretien avec Maxime Aulio Les Éditions Robert Martin publie votre concerto Triton. Quelle est l’inspiration de cette œuvre Opus 31 écrite pour une trompette planante au dessus de l’orchestre à vent ? Dans mes travaux de composition, j’ai des inspirations communes, récurrentes : l’astronomie, l’espace ; les métamorphoses d’Ovide ; la poésie universelle d’Hugo, notamment dans La Légende des Siècles; les Haïkus japonais anciens, de Bashō notamment ; les mythes et légendes fantastiques ; etc. Triton, rejoint la liste d’œuvres ayant pour support les Métamorphoses d’Ovide (liste qui s’étoffera encore avec le temps ; j’ai d’ailleurs une partition en projet appelée « Cyané »), parmi lesquelles il y a déjà « Marsyas » pour flûte/piccolo solo et orchestre à vents avec harpe obligée, et « Phaethon » pour trombone basse solo et ensemble instrumental. La partition raconte donc brièvement (de la même façon que dans les Métamorphoses finalement), comment Jupiter (Poséidon) ordonne à Triton de faire reculer les eaux des océans du monde, en portant à sa bouche cette trompe/conque qui retentit alors sur tous les rivages… Les personnages jouant des trompes, cornes et conques sont nombreux dans les mythologies, et sont forcément source d’inspiration dès lors qu’il faut écrire des solos d’instruments à vent… (C’était le cas avec « Marsyas », qui joue de la flûte à deux tuyaux, abandonnée et maudite par Athéna… il sera confronté en duel musical à Apollon et sa lyre…) Créée le 30 mars 2012 et dédiée à Thierry Caens et à la Musique Principale des Troupes de Marine, a-t-elle été rejouée depuis ou attendiez-vous son édition ? Non, elle n’a pas été rejouée depuis la création. Tout simplement parce que le matériel d’orchestre n’était pas gravé entièrement (nous avons créé la partition avec une moitié gravée, une moitié manuscrite – les compositeurs qui livrent les partitions à la dernière minute, c’est bien connu !)… Il fallait que je trouve une solution pour terminer et reprendre cette gravure, ce qui était fait au moment où les éditions Robert Martin s'y sont intéressées. Votre catalogue de compositions présentent depuis vos débuts plusieurs œuvres dédiées aux cuivres solistes, Bilbo the Hobbit (2003) pour cor ; Montségur, la Tragédie Cathare (2003) pour trombone ; Les Trois Mousquetaires (2004) pour quatuor de tubas ou encore Libertalia (2007) pour euphonium ? Vos études comme corniste vous ont-elles motivées pour écrire pour ces instruments ? Pas vraiment. C’est le hasard des demandes des solistes qui ont commandé ces pièces. Parmi mes premières compositions, il y a un concerto pour basson « Il Signor Fagotto » (2002), que j’écrivis à la demande de Laurent Le Chenadec, professeur du Conservatoire de Toulouse, où j’étudiais alors. De la même façon que pour « Montségur… » écrit pour le professeur de trombone, Daniel Lassalle, à sa demande également. Il n’y a pas de règles. Et certains m’ont commandé des partitions ensuite, sans savoir que je fus corniste par ailleurs… Mais j’avais déjà un répertoire d’œuvres pour les vents qui les rassurait peut-être. Vos études au Conservatoire de Toulouse vous ont permis la rencontre avec l’Ensemble Instrumental de l’Ariège, placée sous la direction d’Eric Villevière avec lesquels vous avez enregistré dès 2002 vos premières œuvres avec orchestre à vent. Quels sont les souvenirs partagés avec ces musiciens qui défendent l’orchestre d’harmonie ? Incroyables. Je pourrais en parler des heures, et en même temps, il n’y a pas de mot. Mes plus beaux souvenirs musicaux sont avec eux, tout simplement. C’est difficile à partager avec l’extérieur. Il faut venir en Ariège pour vivre cette expérience… Je ne sais pas quels sont les ingrédients précisément, mais il y a une alchimie qui opère avec ce groupe. Un souvenir qui me marquât fut lors d’un concert durant une tournée d’été d’une semaine, dans les montagnes ariégeoises, dans un tout petit village de 150 habitants, Sentein ; nous étions installés, très serrés, dans la petite église du village, qui était remplie à ras bord, des gens écoutaient de l’extérieur. Et une partition que nous jouions nous a tous émus, musiciens et public ; je me souviens encore de voir les yeux humides de mes collègues cornistes, et les yeux en larmes de quelques dames dans le public. Cela après un silence qui parut éternel à la fin de la pièce… Tout le monde était contemplatif, ému, heureux d’être là. C’est également difficile à partager et raconter. Mais j’ai les larmes qui reviennent en repensant à ce moment. Les fous rires qui ont suivi ce concert, lors d’un repas offert, étaient formidables. C’est là où j’aime ce métier, j’aime l’orchestre… pour ces moments humains inexplicables que nous pouvons créer. Vous avez créé avec l’EIA en 2009, La symphonie de l’espace à la grotte de Niaux, en Ariège. Symphonie pour très grand orchestre à vent, enrichi d'instruments rares comme les ondes Martenot, le célesta et un dispositif électro acoustique plus un grand Chœur. Quelles sources de plaisir et sans doute aussi d’angoisse peut produire pour un jeune compositeur ce genre de challenge sachant également que ce projet de création était labellisé pour l’Année Mondiale de l’Astronomie 2009 ? Je suppose que c’est comme un sportif qui se prépare à vivre une grande compétition, les jeux olympiques par exemple. On frémit en imaginant déjà ce qui va arriver, que ce qu’on imagine, va se réaliser aussi… C’est donc un mélange d’angoisse et de plaisir, l’adrénaline peut-être !? La création à la Grotte de Niaux était, elle, un vrai challenge, pour tout l’orchestre, les organisateurs, etc. Déplacer le public avec des rotations de bus de la ville de Niaux, vers la grotte (car la route de montagne est bien trop étroite pour laisser se croiser 2 véhicules), monter tout le matériel d’orchestre, les nombreuses percussions, harpes, piano à queue, etc. Pour une association, c’était un défi. Le résultat était fabuleux : une belle lune éclairait le ciel noir sur le côté de la voute de pierre sur laquelle des planètes et étoiles étaient projetés avec mille lumières… Et que dire du son ! L’acoustique de cette voute est extraordinaire ! Je ne sais pas si un orchestre à cordes aurait sonné de la même sorte, mais un orchestre à vents est fait pour jouer dans un auditorium de pierre ! Et puis, nous pensions que nous ne jouerions cette symphonie qu’une seule fois (la régie, et la réunion des moyens étant complexes). Mais non. Encore deux soirs d’affilée, combles, à Toulouse, un spectacle à côté de Carcassonne (Villemoustaussou), un concert au Conservatoire de Paris dans le cadre des rencontres d’orchestres d’harmonie du CRR, et une dernière reprise à la Scène Nationale de Foix et de l’Ariège. Il ne manque qu’un enregistrement, pour clôturer ce projet. Mais je sais qu’il y a déjà des orchestres intéressés (la partition est étudiée aux Pays-Bas et en Allemagne), et peut-être des reprises envisagées, en région parisienne notamment. Vous semblez aimer les défis ? Cela vous motive pour votre inspiration ? J’ai l’impression que oui. J’avoue détester la routine, répéter des actions… (J’aurais détesté être à la place d’un Bach devant écrire chaque semaine une messe ou des motets) Créer c’est forcément avoir envie de se surprendre, et de tenter de se surpasser. Sinon, à quoi bon ! En tout cas cela a été couronné par la réalisation du CD Aerospace qui vous est consacré par la Musique des Gardiens de la Paix de Paris, sous la direction de Pascale Jeandroz. Oui, ce fut une initiative de l’ancien directeur du bureau français de De Haske (éditeur de mes premières compositions, dont celles de ce double disque), Eric Colombain. J’avais alors de bonnes relations avec la Musique des Gardiens de la Paix et Philippe Ferro, leur chef, qui m’avait commandé « Les Trois Mousquetaires » pour le quatuor Miraphone. Mais alors que la décision de produire ce disque était prise, Philippe quittait son poste. Pascale, tout juste recrutée comme chef adjoint (pour l’anecdote, j’étais en finale au concours de recrutement de ce poste de chef adjoint, avec elle et Laurent Langard, autre personnage connu du mondes des harmonies ; c’est donc là que nous nous sommes rencontrés), excellente chef, a donc pris les rênes de ce projet. C’est un très beau disque, que j’aime beaucoup. Pensez-vous prochainement enregistrer vos nouvelles productions ? Parmi les enregistrements prévus et envisagés : mars-avril, la Musique Royale des Guides Belges enregistre 2 compositions que j’ai écrites pour les éditions Hafabra Music, commandes de Louis Martinus, le directeur de ces éditions belges. Je suppose que ce disque réunira plusieurs compositeurs (je sais déjà qu’il y aura une composition d’Alexandre Kosmicki, le chef adjoint de la Musique des Équipages de la Flotte à Toulon), et sera disponible chez ce même éditeur. Vous avez adapté pour orchestre symphonique, l’une des pièces écrites pour l’EIA et interprétée par l’excellent tromboniste Daniel Lassalle, Montségur. C’est assez rare comme démarche. C’est souvent l’inverse pour les réorchestrations. Comment réagissent les musiciens des orchestres symphoniques qui ont interprété Montségur, la tragédie cathare ? C’est une adaptation ancienne, en fait, qui fut réalisée peu après la création de la version originale. C’était à la demande du directeur du Conservatoire de Limoges, Alain Voirpy, pour un concert au Théâtre de la ville, avec le soliste invité Michel Becquet. Comme c’était l’orchestre symphonique du conservatoire qui se produisait, il fallait que j’en fasse une transcription. Mais ça n’a pas encore été rejoué. C’est en projet en région parisienne, et par un autre orchestre associatif départemental également… à suivre ! De même vous avez autorisé François Gheusi à transcrire pour symphonique Les murmures du vent, une de vos compositions datant de 2002 qui a fait l’objet d’un enregistrement par le Nagoya University of Arts Wind Orchestra dirigé par Jan Van der Roost. Comment réécoute-t-on sa pièce avec d’autres couleurs et notamment les cordes ? Oui, il a réalisé cette transcription, avec mon regard… François est un clarinettiste rencontré à l’Ensemble Instrumental de l’Ariège ; il fait partie des relations créées là-bas, qui ne se dissiperont jamais. Cette transcription avait été réalisée pour l’Orchestre de l’Université de Toulouse, que François dirigeait parfois, en tout cas y jouait, et parfois composait pour eux (et sans doute encore d’ailleurs). Elle a donc été jouée quelques fois, et même sous ma direction, tout juste diplômé mais peu expérimenté, invité à conduire ce même orchestre. Comme pour la transcription de Montségur, elle n’a pas été rejouée depuis (à ma connaissance). Le répertoire symphonique étant immensément riche, les orchestres symphoniques ne vont pas s’intéresser à une transcription d’une œuvre originalement écrite pour orchestre à vents… C’est aussi traditionnel et culturel (l’inverse étant plus naturel, lié à l’histoire des orchestres). Ces possibilités de transcriptions de l’Orchestre d’harmonie au symphonique orientent-t-elles maintenant vos nouvelles compositions ? Autrement dit quel en serait l’original, l’instrumentation de référence ? Pour une œuvre intemporelle faut-il une référence orchestrale ? Non, la transcription, les orchestrations ont toujours fait partie de l’histoire de la musique ; je ne vois d’ailleurs pas pourquoi certains s’offusquent que telle ou telle œuvre soit transcrite. A moins que ce ne soit pas fait avec talent, évidemment… Alors, je comprendrais… Et puis, il est vrai qu’il est mieux de connaître l’histoire du compositeur de l’œuvre originale, quels ont été ses goûts, aimait-il l’innovation en terme de facture instrumentale, les inventions d’instruments de musique, etc. Je pense à Berlioz, par exemple : il aurait sans doute aimé entendre ses œuvres transcrites pour Brass Band ! Personnellement, je ne suis pas contre la transcription de mes partitions non plus. Mais j’avoue que je n’aime pas faire ça moi-même. Car malgré tout, je compose d’abord pour des instruments précis, avec leurs sonorités. Donc, imaginer autrement, est un peu difficile pour moi. Chef de Musique Militaire, jusqu’en 2013 à la Musique Principale de l’Armée de Terre, la direction régulière d’un ensemble ne vous manque-t-elle pas ou bien est-elle trop chronophage pour l’activité de compositeur ? Si bien sûr que cela me manque. Et évidemment que l’activité d’un chef de musique militaire est contraignante, et ne me permettait pas, en tout cas, d’avoir le temps (avoir le temps, ou prendre le temps !) de me concentrer. Et puis, c’est un travail assez routinier (comme dit plus haut, je déteste vivre ça), dans lequel on a rapidement des marches et des hymnes qui tournent en boucle dans la tête durant des heures… Forcément, ça n’aide pas à imaginer une autre musique… En revanche, les moments de concert avec un tel orchestre étaient passionnants (il fallait faire abstraction alors des contraintes routinières du moment, pas facile pour tous ! Et ça peut être fatiguant…). Vous semblez être attiré par l’expérience américaine ? Oui j’ai d’ailleurs suivi un perfectionnement en Soundpainting et improvisation d’ensemble avec son inventeur l’américain Walter Thompson. J’ai adoré suivre ces quelques cours avec lui. C’était dans le cadre d’une formation professionnelle, où j’ai d’ailleurs fait la connaissance de Gildas Harnois, l’actuel chef de la Musique des Gardiens de la Paix. Pensez-vous que les USA concernant les formations pour instruments à vent sont-ils toujours à la pointe ? En terme de formation, probablement. Les musiciens américains jouent en orchestre quasiment tout le temps, et durant toutes leurs études. Leurs réflexes de musiciens d’orchestre sont tout autre que ceux des musiciens français, formés comme des solistes (on apprend seul, à jouer des concertos, etc.). Donc, forcément, le résultat orchestral est stupéfiant pour nous. Mais c’est le même type d’enseignement à l’orchestre que l’on trouve au Japon, Hong-Kong, Corée du Sud, Taïwan,... Certes, les musiciens d’un orchestre américain, individuellement, sont peut-être moins bons techniciens et maîtrisent moins l’ensemble des sonorités de leurs instruments que les français, mais en effet, en orchestre ils sont meilleurs. Donc, à la pointe, oui, pour la formation à la pratique orchestrale. Pourquoi suis-je attiré par cette éventuelle expérience, parce que justement pour contribuer à la formation excellente de ces orchestres, les universités et établissements d’enseignement artistique américains recrutent des chefs d’orchestre formés (et diplômés) pour les encadrer. J’aimerais être recruté dans ce cadre-là. Que manquerait-il à la France en cette matière pour encore faire progresser ses orchestres d’harmonie ? Je le redis, à l'étranger, les enseignants responsables d'orchestre sont formés à cet exercice. Ce n’est pas le cas dans nos conservatoires (à quelques très rares exceptions – Toulouse, Strasbourg, Paris,…), qui laissent la direction de leurs orchestres à des professeurs d’instruments qui complètent leurs heures avec cet enseignement considéré comme « secondaire », alors que c’est le principal outil d’un musicien, l’orchestre. C’est ce pour quoi il fait de la musique, souvent ! Incongru. La plupart des orchestres d’harmonie amateurs, associatifs, municipaux, sont maintenant conduits par des chefs formés (et parfois diplômés) ; leur niveau est supérieur à ce que l’on peut trouver dans la majorité des conservatoires. C’est en cela, notamment, que le monde de la musique s’est divisé, entre « l’élite » conservatrice de l’enseignement destiné à former des professionnels de la musique, qui regarde de haut (souvent) le monde amateur, alors que la compétence est souvent inversée. Des initiatives telles que « orchestres à l’école », « Passeurs d’art », etc. tentent de créer ce que les conservatoires ne peuvent ou veulent pas faire, alors que ces derniers devraient bien se rendre compte maintenant qu’ils sont incapables de faire des professionnels de l’ensemble de leurs élèves, le marché ne le permettant pas, tout simplement. On peut vouloir former des musiciens, excellemment, sans vouloir en faire des professionnels ou des bêtes à concours. Élitiste n’est pas contraire à populaire. Tisser la toile de la pratique artistique, qui est avant tout amateur, dans l’excellence et les règles de l’art, est un enjeu formidable à mon sens. Certaines initiatives locales fonctionnent, d’autres se trompent. Il manque forcément l’idée que l’on peut changer des traditions et des habitudes. C’est la différence avec des enseignements plus jeunes, américains ou asiatiques, qui, détachés d’une histoire et de traditions lourdes, ont su créer rapidement cette dynamique de formation artistique destinée à l’ensemble du peuple, sans promettre à ses élèves qu’ils seront tous des professionnels, en les lâchant dans la nature après leurs diplômes, sans orientation, les confiant à d’hypothétiques concours que l’on envisage en imaginant la retraite prochaine du cor solo de tel orchestre, et les laissant souvent au chômage… Nombreux sont ceux qui changent de carrière alors, et se disent qu’ils auraient mieux fait de continuer la musique en amateur… Je n’ai pas la solution, mais je crois qu’il ne faut pas avoir peur de regarder quels sont les modèles étrangers, pour voir ce qu’il y a d’intéressant, ce que l’on peut y prendre, sans renier nos traditions et ce qui nous identifie. Mais se contenter de cela ne permet pas de s’adapter aux évolutions du monde... Vous avez reçu une commande inédite de Robert Austin Boudreau fondateur de l’American Wind Symphony Orchestra (USA) pour lequel vous écrivez La Grande Vague de Kanagawa. Quel effet cela fait-il de rejoindre la longue liste des compositeurs sollicités par cette formation américaine comme Alexander Arutiunian, Elmer Bernstein, Krzystof Penderecki, Eugène Bozza, Georges Auric ou Heitor Villa-Lobos... ? J’avais pris contact avec Robert Austin Boudreau lorsque je souhaitais jouer le concerto pour trompette et vents de Lalo Schifrin avec la Musique Principale des Troupes de Marine et le trompettiste Thierry Caens. Concerto qui fut commandé à Schifrin, par Boudreau, pour l’AWSO, dans les années 60. Nous avons alors beaucoup échangé, et je lui posais de nombreuses questions sur ses commandes extraordinaires. Il m’a alors demandé quels étaient pour moi les compositeurs français qui pourraient l’intéresser, et qui seraient intéressés par l’écriture d’une pièce pour l’AWSO. Lui fournissant une petite liste de mon carnet d’adresses, il commande alors à Karol Beffa une partition créée en 2012, Burning Bright (aux éditions Peters New York, dans la collection de l’AWSO). Je lui envoie aussi, sans qu’il me l’ait demandé, le disque « Aerospace » dont nous avons parlé plus haut. Et il me contacte pour me dire qu’il apprécie particulièrement « Phaethon », et qu’il souhaite l’interpréter. Puis il me demandera si je veux bien composer une nouvelle pièce pour l’AWSO pour une tournée dans les pays baltes. Cette tournée annulée, la commande de la pièce est donc décalée à plus tard… Je n’en sais pas plus, mais je terminerai cette partition début 2016. Boudreau crée chaque année avec l’AWSO, lors des tournées d’été de cet orchestre, environ 15 partitions. Depuis environ 60 ans, plus de 400 œuvres ont été créées… Mais, je n’en dis pas plus, ce serait trop long ici. Et surtout, parce que nous l’avons invité, avec l’Association Française pour l’Essor des Ensembles à Vents, en avril, au CRR de Paris, dans le cadre des rencontres d’orchestres d’harmonie du conservatoire, autour d’un hommage à Jacques Castérède, à qui Boudreau a commandé la plupart de ses œuvres pour vents (8 de mémoire). Boudreau fera une présentation le samedi 11 avril au matin, de l’AWSO et de ses commandes, lors d’une conférence qui sera forcément géniale. Nous en reparlerons avec l’Association Française pour l’Essor des Ensembles à Vents (AFEEV) très bientôt. A suivre ! Quelle sera la construction musicale de La Grande Vague de Kanagawa ? Boudreau avait des souhaits très précis. 3 mouvements, avec une nomenclature particulière, tout à fait adaptée à l’AWSO (cuivres par 6, flûte alto et basse, contrebassons, etc.). Il me laissait libre sur le sujet cependant… J’avais une reproduction de cette célèbre estampe d’Hokusaï sous les yeux ; c’était le bon thème… Aura-t-on la chance de l’entendre en France ? Je l’espère ! Je suppose que Boudreau l’inclura dans la tournée de 2016. Il faudra être patient… Et puis, la nomenclature n’est pas adaptée aux orchestres d’harmonie français malheureusement. L’AWSO est un « Wind Ensemble » ou « Wind Symphony » ; c’est en quelque sorte l’harmonie d’un orchestre symphonique. Donc, il n’y a quasiment jamais de saxophones, et encore moins de saxhorns ou euphoniums. Les clarinettes sont à 1 par partie, au maximum 4 ou 5. C’est un type de formation à vents très répandu aux USA, où l’on trouve à la fois les orchestres d’harmonie (avec le mot « Band » : Symphonic Band, Concert Band, Wind Band,…), et des ensembles à vents comme l’AWSO (Wind Symphony, Wind Ensemble,…) ; les formations connues du genre étant Eastman Wind Ensemble, créé et longtemps conduit par le regretté Frederick Fennell, ou encore le North Texas Wind Symphony conduit par Eugene Migliaro Corporon, avec leur exceptionnelle discographie de créations. Les Éditions Robert Martin publient également deux autres de vos pièces, une transcription pour vents du concerto pour saxophone alto et cordes de Glazounov et « Un petit vélo dans la tête » pour Cor et Tuba. Quels sont les instrumentistes corniste et tubiste qui vous ont inspirés ? Cette petite partition était une commande de François Thuillier au CRR d’Amiens, pour deux élèves (avec un étudiant de la classe de cor d’Eric Brisse) qui passaient leur DEM avec notamment cette pièce. Quels sont vos projets en France et à l’étranger ? Composition, direction, formation ? J’attends encore la réponse, qui semble déjà positive, pour faire un Doctorat en direction d’orchestres à vents (DMA in Wind Conducting) – condition nécessaire pour avoir un poste de chef d’orchestre dans les universités américaines –, à l’Université du North Texas justement, avec Eugene Migliaro Corporon. Croisons les doigts… Si cela ne fonctionne pas, je pense tout de même m’expatrier… à suivre. Côté composition, toujours des commandes. Après quelques pièces de musique de chambre, un nouveau concerto pour euphonium pour l’harmonie de Forbach et Sébastien Stein, un concerto pour trombone et orchestre symphonique pour Fabrice Millischer, une pièce pour theremin solo et orchestre à vents pour Thorwald Jørgensen, spécialiste hollandais de l’instrument électronique, un concerto pour quatuor de saxophones et harmonie à terminer pour le quatuor Ellipsos,... jusqu’en 2018 avec une commande de l’harmonie de Nevers… etc. www.maximeaulio.net/ |
Y.R. |