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Inclassable, Dylan Corlay Primé comme chef en Finlande

Dans la famille des inclassables, j’appelle Dylan Corlay. Brillant Multi-instrumentiste, comédien, compositeur, pédagogue, auteur et chef d’orchestre. Récemment, c’est cette dernière spécialité qui met en lumière ce jeune musicien de 31 ans. Dylan Corlay vient de remporter à l’unanimité le premier prix de la sixième édition du Concours international de direction d'orchestre Jorma Panula, en Finlande qui s’est déroulé en novembre dernier. Aux dires du critique musical Christian Merlin, membre du jury international placé sous la présidence du maître finlandais Jorma Panula, Dylan Corlay, seul français sélectionné sur les vingt candidats, s’est imposé durant toutes les épreuves devançant l’excellente Suissesse Elena Schwarz (deuxième prix) et l’allemand Harish Shankar ( troisième prix) : « Dylan Corlay a su faire oublier qu’il passait un concours. Il s’amuse, se fait plaisir en faisant de la musique avec d’autres, en l’occurrence les membres de l’orchestre. Et c’est contagieux… ». Ce concours est organisé tous les trois ans à Vaasa, petite ville finlandaise au bord du golfe d’Ostrobonie. La Finlande à la chance de posséder un orchestre dans chaque ville. Pour l’occasion du concours deux orchestres professionnels étaient réunis, ceux de Vaasa et de Jyväskylä pour aborder le répertoire imposé dont entre autres La Mer de Debussy, des extraits du Sacre du printemps d’Igor Stravinsky, du finlandais Magnus Lindberg, membre du jury et forcément de Jean Sibélius, compositeur national, avec ses œuvres Pelléas et Mélisande, opus 46, la troisième symphonie et le concerto pour violon opus 47. Le fondateur du concours Jorma Panula, chef d’orchestre et pédagogue estimé, a formé à l’académie Sibélius d’Elsinski Esa-Pekka Salonen, Jukka-Pekka Saraste, Sakari Oramo ou encore Mikko Franck qui à 36 ans vient de succéder à Myun-Whun Chung à la tête du Philharmonique de Radio-France. Jorma Panula donne encore à 85 ans de nombreuses master-classes pour lesquelles se bousculent les aspirants chefs. C’est d’ailleurs lors d’un stage à Madrid en juillet 2014, à San Lorenzo de El Escorial, que Dylan Corlay découvre le maestro Panula. Il le retrouve en mai 2015 en Pologne à Slupsk dans le cadre d’une série de master-classes où Dylan Corlay, s’entend dire par Jorma Panula ; «  Je vous invite à vous présenter à mon concours en Finlande ». Comme 154 postulants, Dylan poste donc pour la pré-sélection une vidéo d’une répétition, document de travail, au cours de laquelle il dirige la sérénade pour cordes de Dvorak et le divertimento de Bartok. Cette compétition finlandaise n’est pas très connue en France, même si un français, Sylvain Gasançon, a remporté un second prix en 2006. Mais pour Dylan Corlay qui vient d’être nommé en 2015, chef assistant à l’ensemble Intercontemporain de Paris, ce n’est pas dans son tempérament de laisser enfermer son image dans le seul créneau de la musique contemporaine. Dylan reçoit la réponse de Finlande, elle est positive.

Alors en route pour Vaasa en Finlande pour se confronter au grand répertoire symphonique. Ce répertoire, il le connait de l’intérieur, comme musicien, bassoniste et contrebassoniste, invité régulièrement comme supplémentaire des grands orchestres, où il a vécu les émotions intenses de l’interprétation dirigée. Revenons quelques instants sur le parcours d’instrumentiste de Dylan, parcours impensable dans l’académisme des conservatoires. Il commence la trompette à 6 ans à Vitré puis dès 13 ans au CRR de Nantes dans la classe de trompette d’André Henry et Jean-Jacques Metz. Puis s’en délaisser la trompette, il s’initie au saxophone. Adolescent, il rejoint le groupe de Reggae Ouarzazate System où il s’improvise tromboniste/trompettiste. Les tournées du groupe sont si nombreuses qu’il finit sa scolarité par correspondance. A 18 ans, il obtient un Bac TMD avec comme instrument principal, la guitare classique apprise en autodidacte et pratique également le piano. Mozart le fait rêver et il découvre son concerto de basson. Pourquoi ne pas essayer cet instrument placé idéalement au milieu de l’orchestre qu’il imagine depuis ses cinq ans de diriger ? Dylan se débrouille pour être admis comme débutant dans la classe de basson du CRR de Tours dont il est déjà élève en trombone et en écriture. Ses débuts au basson sont si fulgurants qu’il est admis deux ans plus tard dans la classe de basson français de Gilbert Audin du CSNMD de Paris. Dans le même temps, il suit les cours de direction au CRR de Dijon dans la classe de Jean-Sébastien Béreau. Egalement, il monte rapidement sur les planches comme comédien. Inclassable Dylan, vous dit-on. A Vaasa, la compétition se déroule sur quatre jours intensifs pour les trois finalistes. Chaque jour les épreuves éliminatoires sont publiques et tout est retransmis en audio et vidéo aux membres du jury. De face, comme de dos, tous les gestes, mimiques et interventions des chefs candidats sont analysés par le jury. Les candidats ne peuvent se jauger mutuellement. Chaque soir tombe la sentence de l’élimination. Les quarante minutes passées devant l’orchestre sont un régal, mais la préparation des œuvres choisies dans le programme imposé, souvent dirigées pour la première fois est épuisante pour tous les candidats. Dylan, quel fut ton choix pour les œuvres que tu souhaitais défendre ? Pour le premier tour, j’ai préféré choisir Dumbarton Oaks Concerto d’Igor Stravinsky. C’est un concerto grosso composé pour un petit orchestre en 1938. Pour le deuxième tour, l’imposé Jubilee ! de Magnus Lindberg et au choix deux chants de Jean Sibelius, le premier pour soprano et le second pour baryton. Au troisième tour, où nous étions 6 candidats retenus, je me suis fait plaisir en dirigeant pour la première fois, La Mer de Debussy. Une véritable expérience émotionnelle. Pour la finale, les trois candidats alternent avec trois œuvres, La danse sacrale du Sacre du printemps de Stravinsky, pour moi le second mouvement du concerto de violon de Sibelius et celui de la troisième symphonie de Sibelius. A chaque tour, j’ai tiré le dernier ou l’avant dernier numéro, me plaçant en fin de parcours de cette compétition. Le plus dur a été de gérer chaque jour l’attente avant de me présenter devant l’orchestre, le public et le jury. Cela crée une véritable tension et un stress à gérer avant d’attendre le moment libérateur de faire de la musique. Lors des répétitions publiques avec l’orchestre, l’un des problèmes à surveiller résidait à ne pas se laisser embarquer dans le répertoire de Jean Sibelius que chaque musicien connaissait quasiment par cœur. Il fallait imprimer sa propre lecture. J’adore l’improvisation et j’essaye même dans le répertoire écrit et conventionnel d’être quasiment comme à la première de l’œuvre. Il faut se surprendre et surprendre sans cesse. N’est-ce pas l’essentiel pour un chef d’orchestre. J’ai l’expérience du Sound Painting grâce à la formation reçue auprès de son créateur Walter Thompson. Cela m’aide dans ma gestique et mes intentions musicales avec une écoute hyper active. Mes études au CNSMD notamment avec Philippe Ferro et dans la classe d’improvisation générative ont complété ma formation. Le plus difficile après c’est de se sentir légitime devant un orchestre. La seule motivation que je trouve nécessaire est celle de partager le plaisir de faire entendre de la musique grâce à l’exigence. J’ai dirigé diverses formations, du big band à l’orchestre d’harmonie, du brass band avec l’ensemble tourangeau ExoBrass aux formations restreintes de musique contemporaine, aux orchestres symphoniques. A chaque fois, c’est la même aventure humaine au service de la musique. Je dois dire que la direction du brass band, nouvelle en France, est une très bonne école de chef. Rigueur, masse sonore, réactivité des musiciens, écriture ouverte mais condensée sur une trentaine d’instrumentistes, conjuguées avec la préparation et participation aux concours d’interprétation reste une expérience très efficace. Actuellement, je découvre le répertoire vocal et notamment les grandes œuvres avec chœur. J’ai la chance au CRR de Tours de diriger les formations de grands élèves et d’étudiants pour lesquelles j’ai programmé Carmina Burana de Carl Orff en juin prochain. Je viens de diriger, fin novembre, le Requiem de Mozart, à Blois avec l’Ensemble orchestral du Loir-et-Cher. Je fais mes débuts avec l’Ensemble intercontemporainn, notamment à Paris en décembre, au Théâtre de la Gaité lyrique pour un concert dédié à la compositrice Patricia Alessandrini. Quelles sont les retombées du premier prix au Concours de compétition Jorma Panula ? D’abord celles d’avoir connu une intense concentration sur plusieurs semaines et davantage la dernière pour les quatre jours de compétition. C’est vraiment un travail d’introspection, on plonge véritablement dans son moi profond. D’ailleurs, j’ai mis quelques jours après le concours à sortir de cet état. J’ai eu l’impression de rester en apnée. Car pour diriger efficacement un orchestre en répétition, il faut parler le moins possible. Moins tu parles, mieux c’est. Pour corriger, améliorer le son ou l’inflexion de l’orchestre, quelques mots suffisent et surtout juste après la gestique doit concrétiser ta pensée de chef. Sinon ça ne sert à rien d’arrêter l’orchestre. Ensuite cette récompense reçue des mains de Jorma Panula me touche énormément. Concrètement, j’ai le sentiment que les choses s’accélèrent en 2015 avec la chance de diriger l’Ensemble Contemporain et ce concours. Déjà se profilent quelques invitations. Notamment, celle confirmée par Mikko Franck, de diriger le Philharmonique de Radio France dans le cadre du Festival  Manifeste 2016 en juin prochain. Je suis également invité à diriger l’orchestre d’harmonie The Toulouse Wind Orchestra en octobre avec au programme The Gold Age Bert Appermont, le concerto de trombone de Launy Grøndahl et des œuvres de Bernstein. En novembre, L’ONPL me confie la direction de l’Histoire du Soldat de Stravinsky. J’ai d’autres pistes et des contacts se nouent avec des agences artistiques. Mais avant tout, je continue à enseigner au CRR de Tours et de composer. Je viens de terminer plusieurs compositions dont un conte musical « Sans tuba, ni trompette ». Et surtout, je remonte sur scène comme comédien-musicien avec les spectacles « l’Ilot Bassons » et la nouvelle pièce « Maurice et Jonas » sur le thème du cabaret pour lequel s’entremêlent Musique et Magie. Le devant de la scène, Dylan Corlay n’est pas prêt de la quitter. Que ce soit comme musicien, compositeur, comédien ou chef d’orchestre, nous aurons forcément matière à suivre l’évolution de ce chaleureux personnage décidément inclassable. Spectacle "Maurice et Jonas"

Y.R.