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Autopsie de la foi
(HEXA29042) :
47,90
Brice PAUSET
Editeur : Editions Henry Lemoine
Editeur : Editions Henry Lemoine
Genre : Musique Instrumentale
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Lorsque la proposition d'écrire une œuvre pour instruments moderne et instruments renaissance, et ce dans le contexte d'une thématique centrée autour de la question du nom "Dieu" m'a été faite, j'ai immédiatement songé à deux sources historiques a-priori très éloignées l'une de l'autre : la messe l'homme armé de Pierre de la Rue d'une part, et les chapitres IV, VII, XII à XV et XX du Tractatus Theologico-Politicus de Baruch de Spinoza d'autre part.
Etant non-croyant, mais non dénué de convictions, je me devais de donner voix à un discours critique que je voudrais centrer aussi précisément que possible sur la question du rapport entre divinité, institution et affects.
Je voudrais ici clarifier ma position d'un strict point de vue personnel : non-croyant bien que (ou car) ayant été éduqué chez les Jésuites, les manifestations infiniment variées du fait religieux m'inspirent des affects corrélativement variés, et je ne cacherai ici ni ma véritable et profonde admiration envers la Théologie de la Libération, ni mon intense scepticisme vis à vis du rôle joué par l'Eglise catholique au profit de régimes politiques fondamentalement anti-égalitaires, rôle constituant en soi un cas intéressant et patent de contradiction tant intellectuelle que morale. Pour terminer, je dois ajouter que la question de l'existence ou de la non-existence de Dieu - question en vérité fondamentalement subalterne - ne sera pas traitée ici.
Dans le cas de la première source historique requérant la musique de Pierre de la Rue, je voulais isoler la musique de la messe l'homme armé de son substrat religieux (le texte de l'ordinarium) et mettre ainsi en défaut le principe de l'émanation, constitutif de toutes les doctrines religieuses - en d'autres termes, et sous la forme d'une question quelque peu brutale : que reste t-il de religieux d'une messe polyphonique lorsque la musique n'est plus supportée par le texte, mais n'est jouée que par des instruments ? Il faut ajouter ici que la messe l'homme armé constitue un cas d'école de ce point de vue : il s'agit bien d'une messe en effet, mais d'une messe entièrement fondée sur un sujet musical profane, voire très profane : la chanson l'homme armé dont les origines, encore très discutées, convergent tant vers la question du dépassement de l'occident en tant que totalité autonome (la chanson nait à l'époque même de la chûte de Constantinople en 1453 et de son très large retentissement en Europe), que vers la consolidation de l'identité urbaine moderne (elle pourrait également provenir d'anciennes sonneries de trompette codifiées et stylisées). A travers son large succès auprès de l'élite des compositeurs savants de l'époque, s'affirme également la figure de l'artiste en phase d'émancipation vis à vis des injonctions des institutions religieuses. En ce sens, la messe l'homme armé condense en son temps - et d'une manière particulièrement polémique - les questions du religieux et du politique.
Le cas de la seconde source historique (le Tractatus Theologico-Politicus de Spinoza) recouvre à lui seul les deux termes du titre de mon œuvre. Autopsie, car de même qu'en effet un corps analysé n'accepte aucune autre donnée théorique que lui-même à toute fin de déterminer ses causes et ses fonctions, Spinoza analyse la bible sans les adjonctions interprétatives léguées par les traditions exégétiques successives, traditions toujours corellées aux besoins politiques du moment. Autopsie de la foi, car effectivement, si l'on suit à la trace le discours de Spinoza, la foi comme instance visant l'obéissance et non la connaissance devrait être remplacée par la persuasion comme conséquence d'un processus de réalisation de la connaissance comme objet et comme question. Chez spinoza, le divin est conservé, mais sous une forme strictement immanente : la question de Dieu comme procédure de vérité n'est pas traitée chez Spinoza, et n'apparaîtra pas dans ma musique.
Un parallèle assez direct entre la pensée de Spinoza et le choix de la messe de Pierre de la Rue est à noter ici : de même que Spinoza refuse l'efficience et le principe même de la téléologie, la technique musicale du canon proportionnel, dont on trouve l'un des exemples les plus magistraux dans la messe de Pierre de la Rue (Agnus Dei II) rompt les rapports traditionnels de causalité entre sujet et forme : dans un cas comme dans l'autre, l'expérience concrète se dissocie des prescriptions abstraites.
De même, mon œuvre, dans ses aspects discursifs, est construite d'une manière toute spinozienne et fondée sur une suite de triades de forme "Proposition - démonstration - scolie", triades formelles autant que substantielles mises en tension des différentes forces musicales : respectivement : ensemble renaissance, ensemble d'instruments moderne , récitant.
Un dernier mot au sujet du récitant : cette œuvre particulière constitue en soi une nouvelle étape de mon travail de façonnage d'un "chant non-vocalique" typique de mes œuvres vocales de ces dix dernières années, un chant redonnant aux consonnes tout leur pouvoir de persuasion, tant d'un point de vue rhétorique que du point de vue de leur instrumentalité latente.
Brice Pauset
Récitant et ensemble
Partition
Date de sortie : 10/04/2012
ISMN : 9790230990424
Etant non-croyant, mais non dénué de convictions, je me devais de donner voix à un discours critique que je voudrais centrer aussi précisément que possible sur la question du rapport entre divinité, institution et affects.
Je voudrais ici clarifier ma position d'un strict point de vue personnel : non-croyant bien que (ou car) ayant été éduqué chez les Jésuites, les manifestations infiniment variées du fait religieux m'inspirent des affects corrélativement variés, et je ne cacherai ici ni ma véritable et profonde admiration envers la Théologie de la Libération, ni mon intense scepticisme vis à vis du rôle joué par l'Eglise catholique au profit de régimes politiques fondamentalement anti-égalitaires, rôle constituant en soi un cas intéressant et patent de contradiction tant intellectuelle que morale. Pour terminer, je dois ajouter que la question de l'existence ou de la non-existence de Dieu - question en vérité fondamentalement subalterne - ne sera pas traitée ici.
Dans le cas de la première source historique requérant la musique de Pierre de la Rue, je voulais isoler la musique de la messe l'homme armé de son substrat religieux (le texte de l'ordinarium) et mettre ainsi en défaut le principe de l'émanation, constitutif de toutes les doctrines religieuses - en d'autres termes, et sous la forme d'une question quelque peu brutale : que reste t-il de religieux d'une messe polyphonique lorsque la musique n'est plus supportée par le texte, mais n'est jouée que par des instruments ? Il faut ajouter ici que la messe l'homme armé constitue un cas d'école de ce point de vue : il s'agit bien d'une messe en effet, mais d'une messe entièrement fondée sur un sujet musical profane, voire très profane : la chanson l'homme armé dont les origines, encore très discutées, convergent tant vers la question du dépassement de l'occident en tant que totalité autonome (la chanson nait à l'époque même de la chûte de Constantinople en 1453 et de son très large retentissement en Europe), que vers la consolidation de l'identité urbaine moderne (elle pourrait également provenir d'anciennes sonneries de trompette codifiées et stylisées). A travers son large succès auprès de l'élite des compositeurs savants de l'époque, s'affirme également la figure de l'artiste en phase d'émancipation vis à vis des injonctions des institutions religieuses. En ce sens, la messe l'homme armé condense en son temps - et d'une manière particulièrement polémique - les questions du religieux et du politique.
Le cas de la seconde source historique (le Tractatus Theologico-Politicus de Spinoza) recouvre à lui seul les deux termes du titre de mon œuvre. Autopsie, car de même qu'en effet un corps analysé n'accepte aucune autre donnée théorique que lui-même à toute fin de déterminer ses causes et ses fonctions, Spinoza analyse la bible sans les adjonctions interprétatives léguées par les traditions exégétiques successives, traditions toujours corellées aux besoins politiques du moment. Autopsie de la foi, car effectivement, si l'on suit à la trace le discours de Spinoza, la foi comme instance visant l'obéissance et non la connaissance devrait être remplacée par la persuasion comme conséquence d'un processus de réalisation de la connaissance comme objet et comme question. Chez spinoza, le divin est conservé, mais sous une forme strictement immanente : la question de Dieu comme procédure de vérité n'est pas traitée chez Spinoza, et n'apparaîtra pas dans ma musique.
Un parallèle assez direct entre la pensée de Spinoza et le choix de la messe de Pierre de la Rue est à noter ici : de même que Spinoza refuse l'efficience et le principe même de la téléologie, la technique musicale du canon proportionnel, dont on trouve l'un des exemples les plus magistraux dans la messe de Pierre de la Rue (Agnus Dei II) rompt les rapports traditionnels de causalité entre sujet et forme : dans un cas comme dans l'autre, l'expérience concrète se dissocie des prescriptions abstraites.
De même, mon œuvre, dans ses aspects discursifs, est construite d'une manière toute spinozienne et fondée sur une suite de triades de forme "Proposition - démonstration - scolie", triades formelles autant que substantielles mises en tension des différentes forces musicales : respectivement : ensemble renaissance, ensemble d'instruments moderne , récitant.
Un dernier mot au sujet du récitant : cette œuvre particulière constitue en soi une nouvelle étape de mon travail de façonnage d'un "chant non-vocalique" typique de mes œuvres vocales de ces dix dernières années, un chant redonnant aux consonnes tout leur pouvoir de persuasion, tant d'un point de vue rhétorique que du point de vue de leur instrumentalité latente.
Brice Pauset
Récitant et ensemble
Partition
Date de sortie : 10/04/2012
ISMN : 9790230990424