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L'Esprit des dunes
(HEXA27531) :
47,90
Tristan MURAIL
Editeur : Editions Henry Lemoine
Editeur : Editions Henry Lemoine
Genre : Musique Instrumentale
Formation : Musique contemporaine
Formation : Musique contemporaine
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Note
L'électronique de l'œuvre a été réalisée dans les studios de l'Ircam.
Réalisateurs en informatique musicale : Serge Lemouton et Leslie Stuck
...Dans L'esprit des dunes, le désert est évoqué tant pour ses résonances psychologiques que pour les analogies techniques. Les analogies constituent un point de convergence entre certaines caractéristiques de, la musique de Murail et l'œuvre d'un bon nombre d'autres artistes, mais font également référence aux origines du matériau utilisé pour la pièce.
C'est la première fois dans l'œuvre de Murail qu'une allusion explicite est faite à la musique d'autres cultures. Le matériau sonore dont dérive la pièce est en effet extrait de musiques traditionnelles de Mongolie et du Tibet, deux régions marquées, chacune à leur manière, par les déserts - le désert de Gobi, en Mongolie, et les régions montagneuses, rocailleuses et faiblement peuplées du Tibet.
L'œuvre porte une double dédicace "à la mémoire de Giacinto Scelsi et Salvador Dali". L'intérêt particulier porté par Scelsi à la vie intérieure des sons, qui se manifeste avec le maximum d'évidence dans des œuvres radicales comme Quatre pièces sur une seule note, trouve un écho dans l'évolution mélodique et timbrale complexe qui se dégage des hauteurs individuelles produites par la technique du chant harmonique mongol. La dédicace à Dali n'est toutefois pas une allusion aux nombreuses évocations de ces vastes étendues désertiques et aliénantes que l'on trouve si fréquemment dans les peintures de Dali, mais fait référence à Visions de Haute Mongolie, cet étrange film de l'artiste, dans lequel un objet isolé - l'embout métallique d'un stylo - devient le centre de focalisation, et est magnifié à un degré tel qu'il donne lieu à l'évocation de mondes intérieurs à part entière, offrant souvent une ressemblance frappante avec certains paysages désertiques de Mongolie et d'ailleurs - autre parallélisme avec Murail, qui, de l'intérieur mime des spectres sonores instrumentaux et vocaux, construit de véritables univers mélodiques.
Le compositeur a également évoqué un phénomène bien connu dans le désert de Gobi : celui de sons mystérieux ressemblant fortement à des voix, et probablement provoqués par la friction des grains de sable que le vent pousse l'un contre l'autre. Si bien que dans sa pièce aussi, de façon métaphorique, 'le désert chanter' comme disent les mongols du désert de Gobi. Comparée à Désintégrations, composée onze ans auparavant, cette œuvre, seconde commande de l'Ircam, exploite de manière très différente les ressources de l'institut. Tirant parti de l'explosion des systèmes personnels au cours des six dernières années, Murail est enfin en mesure de dépasser les rigidités pesantes inhérentes au travail sur bande, et d'effectuer une fusion plus souple, plus raffinée et plus sophistiquée - assurément la plus aboutie à ce jour - entre le son instrumental live et l'électronique. Dans l'œuvre présente, le matériau sonore initial est une fois encore dérivé de sons réels instrumentaux et vocaux : du Tibet, échantillons de rituels monastiques avec les sonorités caverneuses extraordinaires du chant des moines, les sonorités tout aussi pénétrantes des fameuses dung chen, trompettes rituelles, et la guimbarde de Mongolie, la célèbre technique vocale du khöömi, par laquelle un chanteur unique produit simultanément une mélodie et un bourdon en accentuant les harmoniques successives d'une note fondamentale chantée dans les graves. Ces sons ont été numériquement analysés grâce à une méthode dite de "suivi de partiels" : en déterminant l'évolution paramétrique et l'amplitude des partiels de n'importe quel son donné, l'ordinateur peut stocker l'information analysée sur disque dur et s'en servir soit pour procéder à une resynthèse du son d'origine, soit comme base de modélisation pour de nouveaux sons. La gamme des sons électroniques que l'on entend dans la pièce va ainsi de sons clairement audibles, relatifs aux échantillons sources, à ceux déformés par traitement informatique, dont l'origine est loin d'apparaître avec évidence. Cette méthode d'analyse permet une autre technique, tout aussi fondamentale, celle de l'hybridation des sons, grâce à laquelle il est possible de produire un timbre "inoui" en croisant les caractéristiques spectrales d'un son avec celles d'un autre : il peut s'agir soit de deux sons échantillonnés (le chant tibétain et le khöömi mongol possèdent en fait déjà en commun un certain nombre de particularités timbrales), soit d'un son échantillonné et du spectre de l'un des sons instrumentaux. Cet ensemble de techniques permet non seulement d'élaborer la partie électronique, mais fournit également tous les paramètres de base relatifs aux hauteurs des instruments. Comme d'habitude Murail met ici encore l'accent sur la nécessité de faire fusionner timbre et harmonie, de manière à rendre toute différenciation quasiment impossible. Aucune des œuvres composées par Murail à ce jour (à l'exception peut-être de Vues aériennes) ne dénote une écriture mélodique aussi élaborée que L'esprit des dunes. Elle s'impose avec évidence dès le début de l'œuvre, où une série de guirlandes mélodiques, lointaines dérivées du khöömi et centrées autour d'une figure de base (que l'on entend en premier lieu au hautbois), évolue en un dialogue entre sons synthétiques et instruments à vent. En arrière-plan se déploie une texture qui, telle une musique populaire imaginaire, suggère une danse saccadée et boitillante principalement figurée par les cordes pizzicato et les tumbas, cependant que les bois poursuivent la progression mélodique. Alors que la musique adopte un caractère de plus en plus soutenu, de nouveaux sons de synthèse émergent, basés sur le spectre des longues trompettes tibétaines (notamment sur un ré grave tenu) - les harmonies instrumentales glissent pendant ce temps vers des spectres de plus en plus harmoniques, jusqu'à rejoindre ceux des trompettes, avant de fusionner avec eux. Un nouveau plan mélodique se dégage des partiels les plus élevés de ces spectres synthétisés, il est repris par les bois tandis que la musique est en proie à une agitation de surface de plus en plus vive. Ce bref épanouissement de fioritures ramène paradoxalement la musique vers la tenue de ré : entendue pour la première fois dans la section précédente, et vers la musique quasiment la plus consonante de toute la pièce.
Une série d'éruptions soudaines par l'ensemble au grand complet (elles sont dérivées de la fusion spectrale de sons de papier déchiré et de timbres instrumentaux), vient rompre la stabilité du discours musical et force les sons synthétisés vers des spectres plus vocaux, qui se transforment à l'occasion en sonorités très proches de celles du chant tibétain. Un long solo de sons synthétisés relie ces spectres vocaux à ceux du chant harmonique mongol, mais à l'instant même où ceux-ci apparaissent clairement et sans ambiguïté, l'ensemble reprend brusquement ses éruptions, confirmant l'arrivée des spectres du khöömi et générant une autre de ces 'boucles' structurelles si typiques dans cette pièce. La figuration mélodique précédemment entendue revient avec une force et une vigueur renouvelées cette section constitue en effet une sorte de creuset pour l'ensemble des figures mélodiques utilisées dans l'œuvre - avant que chaque élément ne se dissolve dans le spectre unique d'un do dièse au timbre électronique hybride. Cette progression semble amener la musique vers une cadence harmonique stable, détruite à la dernière minute par une recomposition des figures mélodiques qui précipite la musique vers une conclusion d'une surprenante violence.
Julian Anderson
Extrait du livret du CD Accord
Enregistrement
1 CD Accord, AC4653052
Serendib - L'Esprit des dunes - Désintégrations
Ensemble intercontemporain, David Robertson (direction)
Vidéo
Hervé Bailly-Basin (vidéaste)
Cette œuvre inclut des sons électroniques et une séquense vidéo (optionnelle) projetée en fond de scène.
La lecture des sons électroniques est synchronisée au jeu instrumental à l'aide d'un clavier MIDI, relié à un ordinateur portable exécutant un programme Max 6 (Max MSP/Jitter). Il en est de même pour la lecture de la vidéo, ce qui implique l'utilisation d'un deuxième ordinateur.
Les adresses de téléchargement des programmes et des fichiers audio et vidéo sont communiqués à la signature du contrat de location.
11 instruments et sons de synthèse
Partition
Date de sortie : 01/01/1994
ISMN : 9790230975315
L'électronique de l'œuvre a été réalisée dans les studios de l'Ircam.
Réalisateurs en informatique musicale : Serge Lemouton et Leslie Stuck
...Dans L'esprit des dunes, le désert est évoqué tant pour ses résonances psychologiques que pour les analogies techniques. Les analogies constituent un point de convergence entre certaines caractéristiques de, la musique de Murail et l'œuvre d'un bon nombre d'autres artistes, mais font également référence aux origines du matériau utilisé pour la pièce.
C'est la première fois dans l'œuvre de Murail qu'une allusion explicite est faite à la musique d'autres cultures. Le matériau sonore dont dérive la pièce est en effet extrait de musiques traditionnelles de Mongolie et du Tibet, deux régions marquées, chacune à leur manière, par les déserts - le désert de Gobi, en Mongolie, et les régions montagneuses, rocailleuses et faiblement peuplées du Tibet.
L'œuvre porte une double dédicace "à la mémoire de Giacinto Scelsi et Salvador Dali". L'intérêt particulier porté par Scelsi à la vie intérieure des sons, qui se manifeste avec le maximum d'évidence dans des œuvres radicales comme Quatre pièces sur une seule note, trouve un écho dans l'évolution mélodique et timbrale complexe qui se dégage des hauteurs individuelles produites par la technique du chant harmonique mongol. La dédicace à Dali n'est toutefois pas une allusion aux nombreuses évocations de ces vastes étendues désertiques et aliénantes que l'on trouve si fréquemment dans les peintures de Dali, mais fait référence à Visions de Haute Mongolie, cet étrange film de l'artiste, dans lequel un objet isolé - l'embout métallique d'un stylo - devient le centre de focalisation, et est magnifié à un degré tel qu'il donne lieu à l'évocation de mondes intérieurs à part entière, offrant souvent une ressemblance frappante avec certains paysages désertiques de Mongolie et d'ailleurs - autre parallélisme avec Murail, qui, de l'intérieur mime des spectres sonores instrumentaux et vocaux, construit de véritables univers mélodiques.
Le compositeur a également évoqué un phénomène bien connu dans le désert de Gobi : celui de sons mystérieux ressemblant fortement à des voix, et probablement provoqués par la friction des grains de sable que le vent pousse l'un contre l'autre. Si bien que dans sa pièce aussi, de façon métaphorique, 'le désert chanter' comme disent les mongols du désert de Gobi. Comparée à Désintégrations, composée onze ans auparavant, cette œuvre, seconde commande de l'Ircam, exploite de manière très différente les ressources de l'institut. Tirant parti de l'explosion des systèmes personnels au cours des six dernières années, Murail est enfin en mesure de dépasser les rigidités pesantes inhérentes au travail sur bande, et d'effectuer une fusion plus souple, plus raffinée et plus sophistiquée - assurément la plus aboutie à ce jour - entre le son instrumental live et l'électronique. Dans l'œuvre présente, le matériau sonore initial est une fois encore dérivé de sons réels instrumentaux et vocaux : du Tibet, échantillons de rituels monastiques avec les sonorités caverneuses extraordinaires du chant des moines, les sonorités tout aussi pénétrantes des fameuses dung chen, trompettes rituelles, et la guimbarde de Mongolie, la célèbre technique vocale du khöömi, par laquelle un chanteur unique produit simultanément une mélodie et un bourdon en accentuant les harmoniques successives d'une note fondamentale chantée dans les graves. Ces sons ont été numériquement analysés grâce à une méthode dite de "suivi de partiels" : en déterminant l'évolution paramétrique et l'amplitude des partiels de n'importe quel son donné, l'ordinateur peut stocker l'information analysée sur disque dur et s'en servir soit pour procéder à une resynthèse du son d'origine, soit comme base de modélisation pour de nouveaux sons. La gamme des sons électroniques que l'on entend dans la pièce va ainsi de sons clairement audibles, relatifs aux échantillons sources, à ceux déformés par traitement informatique, dont l'origine est loin d'apparaître avec évidence. Cette méthode d'analyse permet une autre technique, tout aussi fondamentale, celle de l'hybridation des sons, grâce à laquelle il est possible de produire un timbre "inoui" en croisant les caractéristiques spectrales d'un son avec celles d'un autre : il peut s'agir soit de deux sons échantillonnés (le chant tibétain et le khöömi mongol possèdent en fait déjà en commun un certain nombre de particularités timbrales), soit d'un son échantillonné et du spectre de l'un des sons instrumentaux. Cet ensemble de techniques permet non seulement d'élaborer la partie électronique, mais fournit également tous les paramètres de base relatifs aux hauteurs des instruments. Comme d'habitude Murail met ici encore l'accent sur la nécessité de faire fusionner timbre et harmonie, de manière à rendre toute différenciation quasiment impossible. Aucune des œuvres composées par Murail à ce jour (à l'exception peut-être de Vues aériennes) ne dénote une écriture mélodique aussi élaborée que L'esprit des dunes. Elle s'impose avec évidence dès le début de l'œuvre, où une série de guirlandes mélodiques, lointaines dérivées du khöömi et centrées autour d'une figure de base (que l'on entend en premier lieu au hautbois), évolue en un dialogue entre sons synthétiques et instruments à vent. En arrière-plan se déploie une texture qui, telle une musique populaire imaginaire, suggère une danse saccadée et boitillante principalement figurée par les cordes pizzicato et les tumbas, cependant que les bois poursuivent la progression mélodique. Alors que la musique adopte un caractère de plus en plus soutenu, de nouveaux sons de synthèse émergent, basés sur le spectre des longues trompettes tibétaines (notamment sur un ré grave tenu) - les harmonies instrumentales glissent pendant ce temps vers des spectres de plus en plus harmoniques, jusqu'à rejoindre ceux des trompettes, avant de fusionner avec eux. Un nouveau plan mélodique se dégage des partiels les plus élevés de ces spectres synthétisés, il est repris par les bois tandis que la musique est en proie à une agitation de surface de plus en plus vive. Ce bref épanouissement de fioritures ramène paradoxalement la musique vers la tenue de ré : entendue pour la première fois dans la section précédente, et vers la musique quasiment la plus consonante de toute la pièce.
Une série d'éruptions soudaines par l'ensemble au grand complet (elles sont dérivées de la fusion spectrale de sons de papier déchiré et de timbres instrumentaux), vient rompre la stabilité du discours musical et force les sons synthétisés vers des spectres plus vocaux, qui se transforment à l'occasion en sonorités très proches de celles du chant tibétain. Un long solo de sons synthétisés relie ces spectres vocaux à ceux du chant harmonique mongol, mais à l'instant même où ceux-ci apparaissent clairement et sans ambiguïté, l'ensemble reprend brusquement ses éruptions, confirmant l'arrivée des spectres du khöömi et générant une autre de ces 'boucles' structurelles si typiques dans cette pièce. La figuration mélodique précédemment entendue revient avec une force et une vigueur renouvelées cette section constitue en effet une sorte de creuset pour l'ensemble des figures mélodiques utilisées dans l'œuvre - avant que chaque élément ne se dissolve dans le spectre unique d'un do dièse au timbre électronique hybride. Cette progression semble amener la musique vers une cadence harmonique stable, détruite à la dernière minute par une recomposition des figures mélodiques qui précipite la musique vers une conclusion d'une surprenante violence.
Julian Anderson
Extrait du livret du CD Accord
Enregistrement
1 CD Accord, AC4653052
Serendib - L'Esprit des dunes - Désintégrations
Ensemble intercontemporain, David Robertson (direction)
Vidéo
Hervé Bailly-Basin (vidéaste)
Cette œuvre inclut des sons électroniques et une séquense vidéo (optionnelle) projetée en fond de scène.
La lecture des sons électroniques est synchronisée au jeu instrumental à l'aide d'un clavier MIDI, relié à un ordinateur portable exécutant un programme Max 6 (Max MSP/Jitter). Il en est de même pour la lecture de la vidéo, ce qui implique l'utilisation d'un deuxième ordinateur.
Les adresses de téléchargement des programmes et des fichiers audio et vidéo sont communiqués à la signature du contrat de location.
11 instruments et sons de synthèse
Partition
Date de sortie : 01/01/1994
ISMN : 9790230975315